dimanche 15 juin 2014

VENUS NOIRE d'Abdellatif Kechiche, 2010

VENUS NOIRE
d'Abdellatif Kechiche
France
2010
avec Olivier Gourmet, Yahima Torres, André Jacobs, François Marthouret
159 minutes
produit par Marin Karmitz
édité chez MK2
Synopsis :
Londres, 1810 et Paris cinq années plus tard...
Hendrick Caezar, un forain responsable d'un cirque vient de trouver une "attraction" qui fait sensation auprès du public, la "Vénus Hottentote"...
Sarah Baartman, une femme noire, émigrée du Cap, à la morphologie singulière et différente des physiques européens, est "présentée" lors d'un "spectacle" où elle se trouve à l'intérieur d'une cage, puis elle effectue des pantomimes ou des danses tribales, devant des spectateurs médusés et empreints d'un voyeurisme aussi vicieux que malveillant...
La police britannique interviendra suite à l'émoi suscité mais les poursuites en justice concluront un non lieu, Caezar pouvant continuer à "exhiber" sa Vénus Hottentote sans vergogne !
Réaux, un autre forain de la pire espèce, "rachète" la Vénus Hottentote à Caezar et l'emmène en France pour l'introduire dans un milieu libertin huppé...
La pauvre Vénus noire finira sa vie dans l'opprobre et la prostitution avant de mourir, atteinte de tuberculose...
Véritable "spécimen" pour la science, son corps sera disséqué par l'école d'anatomie de la capitale...
Ce n'est qu'en 2003 que les restes de sa dépouille seront rapatriés en Afrique du sud, après des négociations diplomatiques avec l'hexagone...
Le film retrace donc tout son parcours...
Mon avis :
Kechiche est un réalisateur extrêmement minutieux dont le style se caractérise par le réalisme et la précision, il montre quasiment tout et n'hésite jamais à appuyer son propos même en mettant le spectateur mal à l'aise ou peu habitué à son genre de cinéma, il pousse le niveau très haut, risquant ainsi à rebuter voire transgresser ses codes via une approche de réalisation frôlant l'hermétisme...
Seuls les cinéphiles fascinés par le cinéma d'auteur seront sensibles à son talent de mise en scène, les spectateurs lambda risquent de décrocher !
Ceci étant, "Vénus noire" est une oeuvre très intéressante, appuyée par une prestation de Yahima Torres fantastique et hypra osée, l'actrice subit une dose d'humiliations peu communes avec un stoïcisme qui apporte une indéniable plus value au film...
Olivier Gourmet (le Terrasson bourru du film "Les brigades du tigre"-ici maigrichon) est un salopard manipulateur de la pire espèce et l'on pense même à des similitudes avec le "Elephant Man" de David Lynch tant la corrélation humain/animal est forte et prégnante...
"Je ne suis pas un animal, je suis un humain" est une thématique déclinée à redondances dans "Vénus Noire", la Vénus Hottentote étant projetée dans l'ambivalence de la double fonction répulsion/attirance...
Répulsion car vision exotique de l'inconnu et attirance par ce même exotisme corporel entraînant le désir sexuel et la tentation bestiale !
Parfois morbide (le dernier quart d'heure dans le lupanar), toujours très maîtrisé (les décors sont superbes), "Vénus noire" doit moins se vivre comme un film traditionnel qu'en expérience singulière d'une portée universelle...
Témoignage d'un parcours atypique et méconnu du public, "Vénus noire" est une oeuvre sidérante, très bien réalisée et dotée de qualités certaines, Kechiche faisant preuve d'une ambition peu commune auparavant...
Destiné à un public adulte, son film hantera de façon indélébile tous ceux qui l'auront visionné tant sa force de traitement provoque admiration et respect...  

Note : 8.5/10






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