HOTEL
SINGAPURA
d’Eric Khoo
2015
Singapour
avec Choi Woo Shik, Josie Ho, Sho
Nishino, George Young, Kkobbi Kim
90
minutes
Chronique
sociale
aka In
the room
Synopsis :
Un
prestigieux hôtel de Singapour, sur une période d’un siècle, couvrant de 1940 à
2040…
Le
film nous narre les pérégrinations des différents clients et occupants de la
chambre numéro 27 de cet hôtel, que ce soit des prostituées et leur responsable
qui leur inculque des règles formatrices pour mettre en valeur leurs atouts et
leur beauté afin de séduire les hommes qu’elles vont rencontrer ou la mort par
overdose letale de Vernon, un célèbre chanteur de musique pop, sa rencontre
furtive avec Imrah, une femme de chambre, dont il tombe instantanément fou
amoureux…
« Hotel
Singapura » nous fait suivre également les tranches de vies de couples, qu’il
soient hétérosexuels ou gays, ainsi nous rencontrons le jeune Min Jun, vierge
de rapports sexuels et son amie Seo Yun, une jeune chinoise frustrée qui ne
parvient pas à trouver l’orgasme malgré de nombreux partenaires ou Mariko, une
superbe femme mariée dont son jeune amant est follement amoureux…
Puis
le film bascule dans l’onirique et le fantastique par le biais de l’apparition
de Vernon et Imrah en spectres et ce, jusqu’à l’issue du métrage où l’hôtel est
devenu délabré et insalubre…
De
nombreuses séquences de sexe rythment le film qui s’axe essentiellement sur les
rapports de couples entre les protagonistes, tout y est montré sans esbroufe et
de façon ultra réaliste, avec une musique raffinée et un sens de l’esthétique
très appuyé…
Mon
avis :
« Hotel
Singapura » est une œuvre très singulière, un pur OVNI dans le cinéma
asiatique et dans le cinéma tout court ; Eric Khoo nous transporte avec
une grande finesse dans un festival de sexe et de luxure mais oublie d’être
voyeuriste, le sexe en lui-même est le vecteur de l’histoire du film mais ne
devient jamais la raison de racoler ou d’appâter, le sexe est le levier pour
raconter de belles histoires, tantôt dramatiques tantôt oniriques mais toujours
basées sur l’amour et la quête du bonheur…
Très
émouvant et magnifiquement mis en scène, « Hotel Singapura » se suit
de façon linéaire, les cadrages sont recherchés et le film évite le côté
basique, se rapprochant presque du cinéma de Kitano, en plus frontal et moins
lyrique, malgré une élégie certaine qui imprègne tout le film du début (les
deux homosexuels qui doivent se séparer à cause de la guerre) à son issue (l’hôtel
est devenu délabré et il ne reste que les spectres des amoureux Imrah et
Vernon, sans doute l’histoire d’amour la plus atypique qu’on ait vue depuis
longtemps)…
Eric
Khoo a réussi son pari avec « Hotel Singapura », à savoir mélanger
érotisme avec mélancolie, frustration avec frénésie, le tout baignant dans une
grâce et une intelligence de traitement peu communes, nombre de réalisateurs se
seraient plantés mais Khoo suit son chemin, sa ligne directrice et nous raconte
son histoire sans jamais dévier dans le grivois, il s’attache et nous fait s’attacher
à ses personnages, véritable panel de la société avec un éventail de toute la
jeunesse folle et dissipée vivant pour le sexe ou… en souffrant aussi…
Œuvre
méconnue et qui sortit en catimini en 2016, « Hotel Singapura »
délivre une approche très intéressante de la société asiatique, c’est un film
inhabituel dans le panorama du cinéma auquel il s’apparente que je vous
recommande fortement, malgré des scènes parfois explicites qui risqueront de
rebuter…
Le
cinéma de Khoo est proche de celui de Larry Clark, il en est une déclinaison
asiatique, il y a également un peu de Gaspar Noé dans « Hotel Singapura »
mais sans la violence…
Dommage
que le film n’ait pas été présenté à Cannes, il n’y a aucun doute qu’il aurait
produit un grand effet sur les festivaliers et peut être raflé des récompenses…
« Hotel
Singapura » est à l’image de sa rareté, un peu comme un joyau ou un bijou
qu’il faut contempler dans son ensemble, l’impact de ce film se bonifiera avec
le temps…
Du
très grand cinéma !
Note :
8/10
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