DOLLS
de Takeshi Kitano
Japon
2002
Drame spirituel philosophique
110 minutes
Synopsis :
Japon, années 2000...
Trois histoires se croisent et viennent
s'imbriquer les unes dans les autres, comme dans un conte...
Un jeune homme destiné à une brillante carrière
abandonne sa mariée, fille d'un riche industriel, pour s'occuper de sa première
femme, Awako, qui a fait une tentative de suicide après la nouvelle de sa
rupture avec l'homme dont elle est éperdument folle amoureuse...
Une star de la chanson, suite à un accident à
l'oeil, passe son temps à contempler la mer et les vagues qui s'échouent sur le
sable...
Un de ses fans invétérés cherche à la
rencontrer et prétend être aveugle...
Un couple de jeunes gens erre sur plusieurs
kilomètres accrochés l'un à l'autre par un fil en tissu, symbolisant leur lien
et parcourt de jour comme de nuit, dans le froid ou sous le soleil, un long
périple, vers une destination inconnue, que nul ne pourra briser...
Le point commun et récurrent est
l'impossibilité, l'amour, l'impossibilité de l'amour et la quête de ce dernier
via la nature et la banalité de situations qui s'intègrent dans la vie des
protagonistes...
Mon avis :
D'une approche parfois très théâtrale (pour
exemple, le prologue avec les marionnettes et les borborygmes du conteur devant
une salle attentive), "Dolls" est avant tout un film axé sur le
graphisme et l'impact de ce dernier sur des situations à priori anodines, mais
qui se retrouvent transcendées par un choix se portant sur le visuel et la
recherche plastique...
Et là, Kitano fait mouche !
Non seulement on suit avec intérêt son
métrage mais une compassion s'engage avec les personnages par des recherches
graphiques sublimissimes...
Traitant avec la plus grande pudeur et sans
exubérances des passages mélodramatiques, Kitano parvient à instaurer une
empathie et intègre le spectateur au coeur même du mental des protagonistes,
par un subtil jeu de caméra ou de cadrages chiadés très recherchés et peu
donnés à un cinéaste lambda : Kitano maîtrise totalement son propos !
Bourré de trouvailles métaphoriques (le
"fil" qui relie l'homme et la femme fait penser à un cordon
ombilical) et stylistiques (la nature -notamment le ciel et la mer- servant de
levier à renforcer la pathologie d'Awako, presque schizophrène),
"Dolls" est un film typiquement Japonais et très peu d'autres oeuvres
européennes ou d'outre Atlantique n'arriveraient à son niveau, eu égard au
talent et au culot inné de Kitano de faire passer son cinéma, comme seul lui
sait faire...
Pouvant paraître hermétique, "Dolls"
est l'un des films les plus personnels de son réalisateur mais aussi le plus
osé, poussant les possibilités atmosphériques au maximum et arrivant à intégrer
des plans pris sur le vif, au hasard des coïncidences qui se sont présentées à
un instant T...
Magnifiquement mises bout à bout, les trois
histoires prennent dès lors leur essor et leur signification se justifie tout à
fait lors du plan final, incroyable de luminosité et de beauté...
"Dolls" irradie par sa recherche
d'images et parvient à se caser dans la filmographie de Kitano comme son film
le plus abouti avec "Hana Bi"...
A visionner impérativement...
Note : 9/10