mardi 10 octobre 2017

Les enfants du paradis de Marcel Carné, 1945

LES ENFANTS DU PARADIS
de Marcel Carné
1945
France
avec Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Maria Casarès, Marcel Herrand, Pierre Renoir
Drame flamboyant
181 minutes
Scénario et dialogues de Jacques Prévert
Décors d’Alexandre Trauner
Musique de Joseph Kosma
Box- office en France : 4 700 000 spectateurs
Film classé au patrimoine mondial de l’Unesco
Synopsis :
Ménilmontant, 1828…
Garance est amoureuse de Jean-Baptiste Debureau, un pantomime, mais son histoire affective se complique car Frédérick Lemaitre, un illustre acteur de théâtre qui souhaite monter une adaptation d’ »Othello » de Shakespeare, est destiné à Garance, qui est tiraillée entre les deux hommes…
Finalement Nathalie, une autre comédienne, elle aussi très belle, se mariera avec Frédérick quelques temps plus tard, de leur union naitra des enfants ; Pierre-François Lacenaire souhaite condamner Garance pour un supposé vol de montre alors que cette dernière n’y est pour rien ; accusée à tort, Garance devra son salut à une carte de visite du comte de Montray, un notable, sans doute amoureux d’elle, qui l’a pris sous sa protection…
Garance retrouve Jean-Baptiste et sa vision amoureuse refait surface, elle est confrontée à un dilemme ; Jean-Baptiste semble être l’incarnation de l’homme idéal pour Garance mais leur relation est toujours parasitée…
Frédérick Lemaitre finit par monter la pièce de « Othello », Garance remonte elle aussi sur les planches…
Le film suit les chassés croisés amoureux des protagonistes avec une poésie et une finesse qui fera que l’on s’attache aux personnages, ceux-ci à la fois distants et proches de la réalité, dans un Paris du début du dix- neuvième siècle finement reconstitué…
Mon avis :
Film fleuve, « Les enfants du paradis » est considéré comme l’œuvre la plus importante de tout le cinéma français et la puissance de sa réalisation ainsi que la modernité avec laquelle ce film a été tourné en font un chef d’œuvre absolu…
Il s’agit d’une histoire d’amour entre deux artistes, l’une comédienne, l’autre pantomime et le résultat s’avère bouleversant, mettant en exergue la quête de la liberté et l’impossibilité de s’aimer librement ; Carné témoigne d’une grande sensibilité et s’applique à rendre crédible la vie des comédiens en mettant en parallèle leur vie sur la scène et leur quotidien dans le Paris du début du dix-neuvième siècle…
Gravitant dans le monde du spectacle, les personnages de Garance, Frédérick et Jean-Baptiste s’entrechoquent par le biais de situations arrivant de façon fortuite ou anodine ; lorsque Garance est accusée du vol d’une montre, elle ne se doute pas que sa vie va basculer, quant à Baptiste, mime muet, il semble déconnecté des situations et pourtant tout vient de lui, c’est lui la pierre angulaire du film qui va faire le bouleversement amoureux vis-à-vis de Garance…
A ce titre, la mise en scène de Carné, servie par les dialogues intemporels de Prévert, joue sur plusieurs registres, tantôt dynamique tantôt contemplative, le résultat créée ainsi une apothéose inédite dans le septième art, le spectateur est baladé entre des séquences très toniques (les représentations au théâtre des funambules, vrombissantes et enjouées) et des investigations, notamment de Garance, en quête de l’amour absolu mais revenant toujours à ses prémices amoureux avec le personnage de Jean –Baptiste…
Œuvre titanesque empreint d’une grande humanité, « Les enfants du paradis » est doublement méritant puisque certains techniciens ou musiciens étaient recherchés par la Gestapo, mais Marcel Carné a pris le risque immense de les intégrer à l’équipe du film dans la clandestinité la plus totale (Alexandre Trauner pour les décors et Joseph Kosma pour la musique), cette diversité et prise de risque rendent le film encore plus attachant et Arletty demeure une icône absolue de la féminité d’après-guerre…
Jean-Louis Barrault est bouleversant dans le rôle du mime Jean-Baptiste et chacune de ses apparitions envoûte tout comme elle émeut ; Pierre Brasseur en artiste confirmé fanatique de Shakespeare voulant jouer « Othello » donne une prestance et un charisme foudroyant lui aussi…
Novateur dans son fond comme dans sa forme, « Les enfants du paradis » a, de plus, des qualités techniques indéniables et folles pour son époque, on note un plan séquence de deux minutes avec une double symétrie, des passages avec la foule filmés de haut (un peu comme dans « Un jour se lève ») et des mouvements de caméra brillantissimes…
Témoignage absolu du patrimoine tricolore en matière de cinéma, « Les enfants du paradis » est un chef d’œuvre inoubliable et incandescent, pièce maitresse incontestée et pur chef d’œuvre ; il convient de le visionner absolument pour enrichir sa culture de cinéphile et pour admirer le cinéma de Carné, unique et grandiose…
Une pure merveille !

Note : 10/10







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