LA GRANDE BOUFFE
de Marco Ferreri
France
1973
avec Philippe Noiret, Ugo Tognazzi, Michel
Piccoli, Marcello Mastroianni, Andréa Ferréol, Monique Chaumette, Bernard Menez
Comédie dramatique
126 minutes
Coproduction franco italienne
Synopsis :
Quatre hommes d'une quarantaine d'années,
Philippe, juge, Marcello, pilote de ligne, Ugo, restaurateur et Michel qui
travaille dans l'audiovisuel décident de se regrouper au domicile de Philippe,
une luxueuse bâtisse pour festoyer et appliquer des principes épicuriens poussés
à l'extrême, en effet, ils ont fait le choix de se suicider par l'excès de
nourriture !
Trois prostituées et Andréa, une institutrice
de l'école voisine du quartier, vont leur tenir compagnie jusqu'à leur funeste
issue...
Luxure, gastronomie à outrance auront raison
des quatre hommes, le plaisir se transformant en cauchemar...
Mon avis :
Ayant déclenché un énorme scandale (justifié)
au festival de Cannes, "La grande bouffe" est un film à double
tranchant...
En effet, il nous faut supporter énormément de
provocation, de scènes obscènes ou peu ragoûtantes avant de capter le
"message" du film, qui est le suivant : "NOUS MANGEONS
TROP"...
Parabole ambitieuse et pas si sotte que ça,
portée par un Marco Ferreri particulièrement inspiré avec des performances d'acteurs
incroyables et des métaphores à foison (les toilettes qui explosent, renvoyant
l'homme à ses propres excréments), le "pari funeste" des quatre
quadragénaires est subi comme une PUNITION, punition par l'opulence constatée
par les pays industrialisés, à contrario des pays sous développés où la
population meurt de famine...
Ferreri renvoie le spectateur à ses propres
excès, le rendant presque coupable, mais ne l'épargne pas non plus de
flatulences, de vomi ou de défécation...
A ce titre, il est à souligner qu'il faut
avoir le coeur bien accroché malgré un désamorçage par "l'humour"
certes grivois et graveleux, mais particulièrement efficace !
Devenu culte au fil des années car se
caractérisant par une singularité hors normes, "La grande bouffe"
offre la vision d'un microcosme (les quatre hommes sont enfermés et confinés à
l'intérieur de la maison) et le catharsis initial va se muter en
"piège" avec des décès dans des circonstances atroces...
Bénéficiant de moyens visuels et de plans
techniquement très intéressants, "La grande bouffe" est une oeuvre
intense, parfois rude mais inoubliable car elle flirte presque avec le
fantastique et fait preuve d'un culot rare, surtout à cette époque !
Un tel postulat serait impossible à sortir de
nos jours !
Et puis, voir Ugo Tognazzi grimé en Brando
Corleone, quel numéro d'acteur !
Et le rôle d'Andréa Férreol est très très dur
à composer, elle a fait preuve d'un courage exemplaire ce n'était pas évident
(l'actrice s'est faite incendier de tous les noms lors de la sortie du film par
les ligues puritaines, elle a dégusté, c'est le cas de le dire !)...
"La grande bouffe" est l'exemple
typique du cinéma pour cinéphiles "OUVERTS", il ne peut en être
autrement pour apprécier ce métrage et y être sensible...
Piccoli, Noiret, Mastroianni, Tognazzi et
Férreol sont des comédiens exemplaires et il fallait OSER faire ce film...
S'ils avaient été lâches, ils auraient
décliné la proposition de Ferreri, ce qui n'est pas le cas, leur courage et
leur implication est à saluer !
Le final, juste avant le générique, avec
l'image qui se trouble, symbolise bien le trouble également provoqué au
spectateur de cette oeuvre monumentale, qu'il faut avoir visionné
impérativement pour se proclamer cinéphile...
Bref, "La grande bouffe" se vit
comme une expérience, presqu'à la frontière du cinéma expérimental et malgré
les outrances à répétition inhérentes à cette oeuvre, s'avère bien plus sincère
que certains autres films prétentieux et "pète sec"...
Dans son genre, un réel classique !
Note :10/10
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