BAISE-MOI
de Virginie
Despentes et Coralie Trinh Thi
2000
France
avec
Karen Bach, Raphaela Anderson, Elodie Chérie, Jean Louis Costes, Delphine Mac
Carty, Adama Niane, Ouassini Embarek, Marc Barrow, Titof, Romain Defarge
Road
movie pornographique
77
minutes
Produit
par, entre autres, Gaspar Noé
D’après
le roman éponyme de Virginie Despentes
Synopsis :
Région
parisienne, Biarritz, les Vosges, début des années deux mille…
Nadine,
une superbe brune d’une vingtaine d’années vit dans un appartement du Val de
Marne avec une colocataire, elle ne travaille pas et végète, ayant du mal à s’insérer
dans la société, elle rythme son quotidien en se masturbant devant des films
pornographiques, en fumant du cannabis ou en buvant de l’alcool à outrance,
elle accepte de faire des passes de temps en temps pour se faire un peu d’argent…
Manu,
une jeune fille maghrébine, est violée par trois hommes, avec une autre fille…
Manu
ne dit mot lors du viol alors que son amie le vit très mal et hurle…
Francis,
un ami toxicomane de Nadine, est abattu en pleine rue…
Le
destin va faire se croiser les deux jeunes femmes, ces dernières, refusant la
soumission et la fatalité, vont commettre plusieurs crimes, ponctué de sexe et
d’alcool, leur quotidien va atteindre son paroxysme lors du casse d’un coffre-
fort d’un richissime négociant…
Parfois
paumées, toujours touchantes et attachantes dans leur désarroi, Nadine et Manu
vont tutoyer la plénitude le temps d’un éclair, recherchées par toutes les
polices de France, elles vivent à cent à l’heure, ne se préoccupant plus de
quoi que ce soit et ne pensant qu’à assouvir leurs pulsions et leur instinct…
Jusqu’au
jour où tout bascule…
Mon
avis :
Tourné
en six semaines, « Baise-moi » demeure encore seize années après sa
sortie un film d’une force et d’une intensité incroyables, sa crudité est le
synonyme de sa sincérité, on ne peut qu’être subjugué par la mise en scène du
tandem Trinh Thi/Despentes et surtout sidéré par le jeu des deux actrices
principales, elles se sont lâchées totalement, le résultat est prodigieux et,
outre les scènes effectives de pornographie, « Baise-moi » est avant
tout un thriller mâtiné de road movie à la sauce féministe assumée de bout en
bout, un peu une déclinaison extrême et hexagonale de « Thelma et Louise »…
Despentes
et Trinh Thi prennent le parti pris de ne rien occulter sur le malaise des deux
jeunes femmes, malaise qui va se transformer en catharsis par le biais d’un « jeu »,
un peu une « compétition » sur laquelle des deux ira le plus loin,
les deux femmes s’entrainant mutuellement et forçant le passage de toute
convention, de toute loi, de toute règle…
Il y
a des séquences magiques et uniques dans « Baise-moi », comme cette
scène jubilatoire où Nadine et Manu dansent dans la chambre d’hôtel, elle
rappelle la scène de la discothèque dans « Polisse » de Maïwenn, ce
sont ces éclairs de génie qui illuminent et irradient un film et le rendent
inoubliable…
Les
deux actrices sont totalement immergées et imbriquées dans leurs rôles, comme
si elles s’étaient transférées dans leurs personnages, leur prestation est d’autant
plus bouleversante quand l’on sait que Karen Bach s’est suicidée peu de temps
après, le côté émotif et viscéral de Nadine est décuplée, dès lors…
Raphaëla
Anderson et son charme candide et juvénile met tout le film à plat, elle est
comme le soleil pour Nadine, blasée et perdue, le soleil qui va lui faire
retrouver goût aux choses et à la vie, sa vie qui devenait une nébuleuse faite
de loose et de plans minables…
Il y
a un côté « Natural born killers » dans « Baise-moi » rehaussé
par une sincérité et un refus du conformisme qui en fait un film très marginal,
pas donné à tout le monde, déjà par sa pornographie mais aussi par le discours
qu’il apporte, outre le féminisme mais aussi l’anarchisation de la société qu’il
propose (les gendarmes, symboles de l’autorité et des règles sont abattus
froidement)…
Virginie
Despentes et Coralie Trinh Thi nous ont assénés un véritable coup de massue
avec « Baise-moi » en livrant un film certes extrême mais finalement
une belle histoire d’amitié amoureuse entre deux jeunes femmes qui se clôture
de façon poignante…
Chapeau
aux deux réalisatrices et aux deux actrices, on sort du visionnage abasourdi et
groggy…
Cette
critique est dédiée à la mémoire de Karen Lancaume aka Karen Bach, partie
beaucoup trop tôt…
Note :
10/10