BELLE
DE JOUR
de Luis
Bunuel
1967
France
avec
Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Francisco Rabal, Françoise
Fabian, François Maistre, Geneviève Page, Pierre Clémenti, Macha Méril, Francis
Blanche
Drame
101
minutes
d’après
le roman de Joseph Kessel
Lion
d’or au festival de Venise en 1967
Synopsis :
Une
ville de France, à la fin des années soixante…
Séverine
et Pierre Sérizy forment un jeune couple classique qui vit de façon aisée, ils
partent en vacances dans une station de ski et retrouvent leur ami Henri Husson
et sa femme Renée…
Séverine
n’arrive pas du tout à trouver de plaisir sexuel avec Pierre, qui semble
distant à ses désirs, la jeune femme a souvent des flashs de fantasmes où se
mettent en scène des situations où elle est humiliée ; ainsi elle s’imagine
fouetté par les domestiques de Pierre, ou se recevant de la boue par Pierre et
Henri, qui la traitent de tous les noms !
Henri
s’avère particulièrement libidineux vis-à-vis de Séverine et la drague avec
insistance dès que Pierre a le dos tourné ; un jour, dans une discussion,
Henri explique qu’il fréquenta il y a longtemps une maison de passes, ce qui
excite inconsciemment Séverine…
Finalement,
Séverine, qui a noté l’adresse de ce salon de passes, s’y rend ; elle y
est reçue par Madame Anaïs, la tenancière, et Séverine semble à la fois
fascinée et excitée par cette situation tout en jouant les mijorées ;
Madame Anaïs pense que Séverine a des soucis d’argent, petit à petit, la jeune
femme va se plier aux nombreux fantasmes des clients du salon de passes, elle n’impose
qu’une chose, faire ses prestations uniquement l’après- midi, de quatorze
heures à dix- sept heures, elle se fera appeler « Belle de jour »…
Mathilde,
la rousse et Charlotte, la brune, les deux autres prostituées du salon de
Madame Anaïs, doivent subir les déviances sexuelles de chaque client mais,
finalement, Séverine devient assidue et se plie volontiers aux désirs des
hommes qui viennent au salon…
Un
truand, Marcel, se rend chez Madame Anaïs et flashe sur Belle de jour, il s’avère
violent et doux en même temps ; il suit Séverine et mémorise l’endroit de
son domicile…
Un
événement terrible va se produire, Marcel devient fou et, armé d’un revolver,
il va commettre l’irréparable !
Mon
avis :
Cinéaste
à part, Luis Bunuel choisit d’adapter le roman de Joseph Kessel en prenant des
libertés afin de l’orienter à son cinéma, plus personnel et singulier, le
résultat est incroyable ! Bunuel agrémente les saynètes de son métrage par
des flashs fantasmatiques qui mettent hyper mal à l’aise et ce, dès le début du
film ! c’est surprenant et c’est tout cela, par le biais de ces séquences
incongrues et insolites, qui va donner le charme vénéneux à « Belle de
jour »…
De
plus, le casting est démentiel (Deneuve dans un de ses plus beaux rôles, Jean
Sorel, Piccoli, Pierre Clémenti, mais aussi Françoise Fabian et la jeune Macha
Méril, à noter l’apparition hallucinante
de François « Monsieur Faivre des Brigades du tigre » Maistre en
client masochiste ! il faut le voir pour le croire !), l’interprétation
et la direction d’acteurs parfaite et l’ambiance se rapprocherait presque de
celle d’un film fantastique…
Deneuve
est à la fois froide et chaude (si vous voyez le film, vous comprendrez), son
personnage de Séverine/Belle de jour est mi-ange mi-démon, elle est attirée par
les perversions et pourtant on lui donnerait le bon dieu sans confession ;
elle s’embarque dans des situations à priori difficiles (frapper à la porte d’une
maison de passes alors qu’elle n’a aucun problème d’argent) mais on dirait qu’elle
est excitée et qu’en même temps elle y trouverait une rédemption voire un
exutoire en se sentant avilie et humiliée (rarement un film n’a traité aussi
bien au cinéma du sentiment de masochisme !) ; dès lors Séverine fera
des rencontres louches voire dangereuses – le personnage de Marcel, jeune
truand- qui fera basculer sa vie de couple et sa vie tout court…
Le
personnage joué par Deneuve est particulièrement ambigu et pas facile à interpréter
mais, par son talent et son charme innés, l’actrice parvient à nous le rendre
crédible…
Plutôt
culotté pour l’époque (on est en 1967), « Belle de jour » peut s’apparenter
au genre érotique et n’est pas un film « tous publics » mais
paradoxalement jamais la mise en scène de Bunuel ne sombre dans le vulgaire ou
le graveleux, c’est peut-être la classe absolue de Catherine Deneuve (habillée
par Yves Saint-Laurent) qui donne une aura au film et qui ne tape jamais dans
la grossièreté (même le passage avec Francis Blanche ne choque pas le moins du
monde !), « Belle de jour » est un voyage cinématographique dans
l’inconscient d’une femme, frustrée de ne pas être épanouie sexuellement, et
qui va partir dans une trajectoire bizarre, motivée par on ne sait quoi, et
pour qui le dialogue conjugal est rompu, faute d’un mari qui n’arrive pas à la
satisfaire…
Bunuel
transcrit ainsi ce postulat avec une mise en scène à la fois glauque et
fascinante, tour à tour, il met mal à l’aise le spectateur mais garde toujours
une dynamique pour retenir son attention…
Digne
du plus grand intérêt, « Belle de jour » est un chef d’œuvre atypique
du cinéma français de la fin des années soixante, la singularité de son
scénario et la technicité déployée par Bunuel en font un film indélébile qu’il
faut absolument avoir vu…
Un
modèle du drame érotique qui a traversé les décennies et, après cinquante
années, reste d’une grande modernité par le thème qu’il emploie, toujours d’actualité…
Note :
9/10
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