LAISSEZ
BRONZER LES CADAVRES
de Hélène
Cattet et Bruno Forzani
2017
France/Belgique
avec
Bernie Bonvoisin, Stéphane Ferrara, Dominique Troyes, Elina Lowensohn, Dorylia
Calmel, Michelangelo Marchese, Marc Barbé
Polar atypique
89 minutes
aka Let the corpses tan
Musique,
entre autres, de Stelvio Cipriani et Ennio Morricone
d’après
le roman de Jean-Patrick Manchette
Synopsis :
Une
bâtisse abandonnée en Corse, au bord de la Méditerranée, en plein été…
Luce,
une artiste peintre, végète sous le soleil et vit chichement, l’endroit est en
ruines et dénué de tout confort mais cela semble convenir à la jeune femme ;
Max Bernier loge également avec Luce…
Gros
et Rhino, deux gangsters de la pire espèce, ont braqué un fourgon blindé et ont
volé des dizaines de lingots d’or, après avoir abattu la totalité des
convoyeurs ; les braqueurs foncent afin de regagner la planque où se
trouvent Bernier et Luce, pensant être à l’abri…
Deux
éléments inattendus vont perturber leur plan : un motard de la police et
sa coéquipière qui se trouvaient dans un café savent qu’il y a eu le casse et
deux femmes (dont une est l’ex de Bernier) ainsi qu’un jeune garçonnet, barrent
la route à Gros et Rhino, ces derniers n’ont d’autre choix que de les prendre
en voiture avec eux...
Tout
ce petit monde arrive dans la bâtisse, ce qui créée des conflits inévitablement,
d’autant que d’autres gangsters complices se disputent la part des lingots…
Alors
que Gros fait l’amour avec Luce, les motards de la police, surarmés, débarquent…
Un
véritable carnage se produit !
Mon
avis :
Après
« Amer » et « L’étrange couleur des larmes de ton corps », « Laissez
bronzer les cadavres » est le troisième film du duo prodige Cattet/Forzani
qui adapte un roman de Manchette sorti en 1971 et là, on a l’impression qu’ils sont
allés encore plus loin dans leurs recherches graphiques, « Laissez bronzer
les cadavres » est simplement extraordinaire ! Cattet et Forzani ont
réinventé le polar et le cinéma en général, ils baladent le spectateur pendant
une heure trente avec des trouvailles incroyables, des plans, un graphisme que
l’on a vu nulle part ailleurs dans un film, mais on pourrait dire : «eh
les réals, arrêtez de vous palucher, trop de technique finit par tuer la
technique ! » sauf que là PAS DU TOUT ! le film passe nickel, pas
d’écoeurement ni d’illisibilité, on se prend une volée ; l’histoire du vol
de lingots aurait pu être n’importe quel autre élément cinématographique,
Cattet et Forzani ont agrémenté leur œuvre d’éléments oniriques ou
fantasmatiques, l’ensemble très méthodique se savoure du début à la fin et pour
comprendre la démarche des réalisateurs, un second visionnage s’impose (je l’ai
revu le lendemain de mon premier visionnage), on y découvre ainsi des éléments
qui risquaient de passer inaperçus (l’allusion à l’alchimie comme dans « Inferno »
de Dario Argento avec la salamandre, les plans obsessionnels de fourmis –symbole
de l’onanisme si l’on se réfère au « Chien andalou » de Bunuel et
Dali, une séquence très stylisée d’uropihilie avec l’urine chaude et brulante
qui peut symboliser l’or volé ou le soleil), « Laissez bronzer les
cadavres » est le film SOLAIRE d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, alors que
« L’étrange couleur des larmes de ton corps » était plus sombre, plus
crépusculaire ; on retrouve un copié collé des deux films avec cette femme
dont on ne distingue pas le visage et qui fait tournoyer ses longs cheveux, là
franchement c’est du travail exceptionnel qu’ils ont fait…
Les
décors sont magnifiés avec des cadrages à la Sergio Leone mais Cattet et
Forzani savent garder leur style, les acteurs et actrices sont tous crédibles
et jouent comme il le faut sans redondance, Elina Lowensohn est très charismatique
et possède un visage très atypique, c’est un bonheur absolu de retrouver
Dominique Troyes (Marylin Jess) en policière motarde, elle possède une aura de
folie avec sa tenue en cuir et sera malmenée dans le film, quant à Bernie
Bonvoisin et Stéphane Ferrara, ils prouvent une nouvelle fois qu’ils sont d’excellents
comédiens…
Les
grincheux qui se plaignent d’un manque d’originalité dans les films qui sortent
chaque semaine, alors pour une fois, on peut difficilement faire plus original
que dans « Laissez bronzer les cadavres », c’est pourquoi il est
vraiment important de soutenir ce film, qui pousse très loin dans la recherche
cinématographique et qui comblera les cinéphiles (la bande son reprend des
thèmes de giallo des années soixante-dix, notamment « Qui l’a vue mourir »
-je l’ai reconnu, on l’entend dix minutes avant la fin du film-
Exceptionnel
à tous les niveaux, « Laissez bronzer les cadavres » doit se voir et
se savourer sans aucune modération, c’est un coup de maitre et Cattet et
Forzani ont poussé leurs ambitions au summum de ce que des réalisateurs
pouvaient atteindre ; réussi à 100 %, « Laissez bronzer les cadavres »
laisse au bord de la route tous les autres polars sortis auparavant, la barre
est montée de vingt crans avec ce film et il sera très dur de faire mieux après
ça !
Les
cinéphiles seront sensibles à ce métrage, le public lambda, il faut le reconnaître,
aura un peu de mal, mais ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que ce film
ait pu être créé et financé et qu’il soit là, c’est un bonheur absolu…
Hélène
Cattet et Bruno Forzani se sont envolés avec « Laissez bronzer les
cadavres » !
Note :
10/10
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