BEATRICE
CENCI
de Lucio
Fulci
1969
Italie
avec
Tomas Milian, Georges Wilson, Adrienne La Russa, Antonio Casagrande, Mavie
Bardanzellu, Raymond Pellegrin, Max
Steffen Zacharias
aka Liens
d’amour et de sang
aka Die
Näckte und der Kardinal (titre allemand)
Fresque
historique
89
minutes
Edité
en DVD chez Neopublishing
Synopsis :
Italie,
pendant la Renaissance, vers 1595…
Francesco
Cenci est un cardinal connu de tous qui déploie la terreur au sein des villageois,
nous sommes à l’époque de l’inquisition et le sadisme de Cenci n’a d’égale que
son intransigeance…
Béatrice,
sa très jeune fille, est volage et entretient une liaison avec un homme brun
qui n’est pas issu de sa caste, ce qui déclenche les foudres de son père, ce
dernier l’enferme dans un des cachots du château !
Dans
une ambiance dépravée et excessive, Francesco offre des banquets à ses amis où
l’alcool et le stupre coulent à flots ; un jour, rendant visite à
Béatrice, il la dénude brutalement et supposément abuse d’elle…
Béatrice
parvient à se venger en commanditant le meurtre de son père !
Le
pape Clément VIII refusera sa grâce, en dépit des circonstances atténuantes et
la belle Béatrice sera exécutée, elle avait seulement vingt- deux ans…
Mon
avis :
Avec
« Beatrice Cenci », Lucio Fulci signe sans doute son œuvre la plus
aboutie mais également sa plus incomprise par le public (le film fut un échec
cuisant au box- office lors de sa sortie en salles), le maestro en fut
extrêmement contrarié, pensant pouvoir toucher un panel plus large et sortant
du carcan dans lequel il s’était enfermé avec des films empreints à un cinéma
populaire et sans trop de prises de risques…
Car
des « risques », Fulci en prend énormément avec « Béatrice Cenci »,
film sur l’inquisition avant le légendaire « La marque du diable » de
Michael Armstrong, sorti peu de temps après, mais il dote son métrage d’une
intelligence, d’une grâce aussi bien technique (nombre de plans asymétriques)
que narrative (il appuie son histoire par une mélancolie inhabituelle chez lui)
pour creuser un scénario qu’il va magnifier dans une mise en scène
époustouflante et indélébile…
Un
autre ponte du cinéma italien, Riccardo Freda, adapta également l’histoire de
Béatrice Cenci dans son film « Le château des amants maudits », mais
Fulci va beaucoup plus loin que lui, cadrant des scènes de cruauté avec un sens
du non-voyeurisme qui exacerbera le manichéisme de ses personnages (Béatrice
symbolise la pureté souillée, Francesco, l’image paternelle excessive et
illégitime)…
La
place des seconds rôles est également très prégnante avec un Tomas Milian
fabuleux qui collaborera deux autres fois avec Fulci (« La longue nuit de
l’exorcisme » et « Quatre de l’apocalypse »), Georges Wilson
trouve ici une de ses meilleures compositions en géniteur acariâtre ravagé par
l’alcoolisme et la sublime Adrienne La Russa, jeune femme au physique juvénile
et aguicheur, joue un rôle que peu d’actrices pouvaient décliner, c’est son
talent qui rend le film crédible, Fulci a tapé dans le mille en la choisissant…
Il y
a à la fois un académisme et une modernité dans « Béatrice Cenci »
avec un montage serré et alterné qui utilise les flashbacks (pour faire
accepter la mort du père, on nous montre post mortem des passages de lui lorsqu’il
terrorisait ses comparses et notamment LA scène où il bat et abuse de Béatrice)
mais Fulci, très intelligent, a la capacité pour non rebuter le spectateur de
mettre le « prétendu viol » hors champ…
Il s’agit
bien du film le plus atypique de Fulci, ici pas de gunfights pétaradants ou de
zombies putréfiés mais bel et bien une trame dramatique et un sens de la mise
en scène digne des plus grands du septième art…
Cette
originalité préfigure son film suivant « Le venin de la peur »,
voulant éclater les codes et prouver au plus grand nombre qu’il est un VRAI
cinéaste, capable de porter des réalisations esthétisées et ambitieuses, ce qui
est tout à son honneur…
Sa
carrière est si vaste et si diversifiée qu’il convient de s’attacher à
découvrir l’intégralité de ses films tant la densité de son cinéma est vaste et
foncièrement intéressante…
Le
DVD néopublishing est fabuleux et a permis d’exhumer « Béatrice Cenci »
de la plus belle des façons qui soit, il est à posséder pour tout cinéphile
amoureux de Fulci…
Peinture
tonique du cinéma italien, « Béatrice Cenci » est considéré encore de
nos jours comme un chef d’œuvre, à visionner sans délai pour comprendre les
démarches expérimentales de Lucio Fulci et redonner honneur à ses prises de
risques…
Note :
10/10