jeudi 13 avril 2017

Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman, 1982

FANNY ET ALEXANDRE
D’Ingmar Bergman
1982
Suède
Avec Bertil Guve, Pernilla Allwin, Ewa Froling, Allan Edwall, Erland Josephson, Harriet Anderson, Anna Bergman
Drame/chronique familiale
188 minutes
César du meilleur film étranger en 1984
Oscar du meilleur film étranger en 1983
Aka Fanny och Alexander
Synopsis :
Une ville de Suède, au début du vingtième siècle, la famille Ekdahl s’apprête à fêter Noël, elle est issue d’une classe aisée et vit dans le monde du théâtre ; Alexandre, le fils est un garçonnet timide et sa petite sœur Fanny vit beaucoup attachée à sa mère ; les enfants profitent de cette fête de fin d’année pour être couverts de cadeaux et observer les pitreries des adultes, notamment les flatulences d’un de leurs oncles ; le repas est gigantesque et réunit tout le monde, Emilie la mère et tous les amis de la famille Ekdahl avec notamment des gens issus du théâtre…
C’est alors que le père de Fanny et Alexandre décède, il est retrouvé mort dans son lit, probablement d’un arrêt cardiaque, sa femme hurle en le découvrant sans vie et les deux enfants assistent à ce terrible spectacle, cela les traumatise…
Lors des obsèques de son père, Alexandre jure des mots obscènes, comme pour se détacher de la religion, le jeune garçon fait une fixation anticléricale !
Un évêque luthérien charme Emilie, la jeune veuve, finalement ils décident de vivre ensemble et de former une famille recomposée avec Alexandre et Fanny, ce qui n’est pas du goût de ces derniers…
L’évêque s’avère intransigeant sur les obligations de la religion et assène dix coups de fouet à Alexandre suite à un mensonge…
La mère, obnubilée par la religion et son pouvoir que l’évêque a sur elle, ne se rend plus compte du malheur de ses deux enfants, ces derniers sont terrorisés et Alexandre est enfermé dans une cave sans à boire ni à manger…
Isak Jacobi, un homme juif marchand d’une boutique d’antiquités, s’introduit chez l’évêque et parvient à kidnapper Fanny et Alexandre en les cachant dans un gros coffre, il pense pouvoir les sortir de leur torpeur et de l’enfer qu’ils vivent avec l’évêque…
A chaque fois qu’il se trouve en difficulté, Alexandre voit des apparitions spectrales de son père qui s’avance vers lui…
Mon avis :
« Fanny et Alexandre » est le tout dernier film d’Ingmar Bergman, ce dernier se consacrera à l’écriture de scénario par la suite, mais ce film est considéré un peu comme son « testament »…
C’est une œuvre magistrale à tous les niveaux, que ce soit la photographie, le jeu des acteurs (même les plus jeunes), les décors, la technique de réalisation, « Fanny et Alexandre » est du très haut niveau de cinéma et on y retrouve toutes les obsessions de Bergman qu’il mit en exergue depuis toujours, depuis ses premiers films, que ce soit « La source » ou « Le septième sceau », chacun de ses films est le reflet de ses habitudes et de ses idées scénaristiques, ici il met un point d’orgue sur le religion et sur l’anticlérical avec les ravages que ces deux thématiques peuvent produire lorsqu’elles sont liées, en particulier, sur deux enfants, Fanny et Alexandre, un frère et une sœur qui vont se retrouver sous le joug d’un évêque intégriste…
Le métrage se scinde en deux parties, l’avant mort du père et l’après…
Au début, on fête Noël, OK tout va bien, et on se demande ce que Bergman va nous faire découvrir (la première heure est longue, c’est quasiment un huis clos), puis PAF ! éclate la mort du père et là, Bergman a mis le paquet au niveau émotionnel, le passage des hurlements de la fille avec les visages hébétés des deux enfants ne pourra vous faire retenir vos larmes…
Vient alors le second pan du film, l’arrivée de la mère et de Fanny et Alexandre chez l’évêque et là Bergman se lâche totalement et nous pond une critique acerbe sur l’absurdité de la religion, sur la bêtise des dogmes instaurés par cette dernière…
On se croirait retourné sous le temps de l’Inquisition…
C’est filmé magistralement, les plans d’apparitions du père donnent presqu’un aspect fantastique au film, il baigne dans une ambiance très onirique, du jamais vu au septième art !
 Il n’est pas étonnant que ce film, même si très difficile d’accès,  ait raflé autant de récompenses, il y émane une atmosphère magique, insolite et l’austérité de certaines scènes est transcendée par le talent, le génie de Bergman qui rend sa perception hors du temps…
Il convient de faire plusieurs pauses lors du visionnage pour l’apprécier pleinement et pour capter l’aura et l’essence de chaque séquence, c’est un film très dense, foisonnant et remarquablement mis en scène, on en sort groggy et longtemps habités par ces passages intemporels et cette singularité comme pour chaque film de Bergman, en fait…
C’est peut-être le plus grand metteur en scène de tous les temps avec Kurosawa…
Pour la première heure, il faut s’armer de la plus grande patience, je le reconnais, mais ça valait le coup d’avoir attendu parce que la suite, franchement, est à la hauteur et nous plonge dans une histoire mélodramatique, dans un pamphlet sur la religion avec une vision sur l’influence de ce qu’elle peut donner sur le monde…
Finalement, « Fanny et Alexandre » est un film toujours d’actualité, il a traversé les décennies avec cette thématique du pouvoir de la religion et Bergman a vu juste depuis toujours, il a su capter l’éclatement d’une jeunesse (personnifiée par Alexandre) en cas de refus de soumission à ce diktat de la religion (symbolisée par l’évêque)…
« Fanny et Alexandre «  est une œuvre essentielle du cinéma et Bergman y signe un de ses plus beaux films, il convient de le visionner pour comprendre pleinement le cinéma d’auteur et l’intelligence du message qu’a voulu transmettre Bergman, même si c’est vrai que certains spectateurs risquent de décrocher en début de visionnage, alors un seul conseil, mettez le film sur pause et reprenez le tranquillement après, ça vaut vraiment la peine d’être vu !
Note : 10/10






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