FANNY
ET ALEXANDRE
D’Ingmar
Bergman
1982
Suède
Avec Bertil Guve, Pernilla Allwin,
Ewa Froling, Allan Edwall, Erland Josephson, Harriet Anderson, Anna Bergman
Drame/chronique
familiale
188
minutes
César
du meilleur film étranger en 1984
Oscar
du meilleur film étranger en 1983
Aka Fanny
och Alexander
Synopsis :
Une
ville de Suède, au début du vingtième siècle, la famille Ekdahl s’apprête à fêter
Noël, elle est issue d’une classe aisée et vit dans le monde du théâtre ;
Alexandre, le fils est un garçonnet timide et sa petite sœur Fanny vit beaucoup
attachée à sa mère ; les enfants profitent de cette fête de fin d’année
pour être couverts de cadeaux et observer les pitreries des adultes, notamment
les flatulences d’un de leurs oncles ; le repas est gigantesque et réunit
tout le monde, Emilie la mère et tous les amis de la famille Ekdahl avec
notamment des gens issus du théâtre…
C’est
alors que le père de Fanny et Alexandre décède, il est retrouvé mort dans son
lit, probablement d’un arrêt cardiaque, sa femme hurle en le découvrant sans
vie et les deux enfants assistent à ce terrible spectacle, cela les traumatise…
Lors
des obsèques de son père, Alexandre jure des mots obscènes, comme pour se
détacher de la religion, le jeune garçon fait une fixation anticléricale !
Un
évêque luthérien charme Emilie, la jeune veuve, finalement ils décident de
vivre ensemble et de former une famille recomposée avec Alexandre et Fanny, ce
qui n’est pas du goût de ces derniers…
L’évêque
s’avère intransigeant sur les obligations de la religion et assène dix coups de
fouet à Alexandre suite à un mensonge…
La
mère, obnubilée par la religion et son pouvoir que l’évêque a sur elle, ne se
rend plus compte du malheur de ses deux enfants, ces derniers sont terrorisés
et Alexandre est enfermé dans une cave sans à boire ni à manger…
Isak
Jacobi, un homme juif marchand d’une boutique d’antiquités, s’introduit chez l’évêque
et parvient à kidnapper Fanny et Alexandre en les cachant dans un gros coffre,
il pense pouvoir les sortir de leur torpeur et de l’enfer qu’ils vivent avec l’évêque…
A
chaque fois qu’il se trouve en difficulté, Alexandre voit des apparitions
spectrales de son père qui s’avance vers lui…
Mon
avis :
« Fanny
et Alexandre » est le tout dernier film d’Ingmar Bergman, ce dernier se
consacrera à l’écriture de scénario par la suite, mais ce film est considéré un
peu comme son « testament »…
C’est
une œuvre magistrale à tous les niveaux, que ce soit la photographie, le jeu
des acteurs (même les plus jeunes), les décors, la technique de réalisation, « Fanny
et Alexandre » est du très haut niveau de cinéma et on y retrouve toutes
les obsessions de Bergman qu’il mit en exergue depuis toujours, depuis ses
premiers films, que ce soit « La source » ou « Le septième sceau »,
chacun de ses films est le reflet de ses habitudes et de ses idées
scénaristiques, ici il met un point d’orgue sur le religion et sur l’anticlérical
avec les ravages que ces deux thématiques peuvent produire lorsqu’elles sont
liées, en particulier, sur deux enfants, Fanny et Alexandre, un frère et une sœur
qui vont se retrouver sous le joug d’un évêque intégriste…
Le
métrage se scinde en deux parties, l’avant mort du père et l’après…
Au
début, on fête Noël, OK tout va bien, et on se demande ce que Bergman va nous
faire découvrir (la première heure est longue, c’est quasiment un huis clos),
puis PAF ! éclate la mort du père et là, Bergman a mis le paquet au niveau
émotionnel, le passage des hurlements de la fille avec les visages hébétés des
deux enfants ne pourra vous faire retenir vos larmes…
Vient
alors le second pan du film, l’arrivée de la mère et de Fanny et Alexandre chez
l’évêque et là Bergman se lâche totalement et nous pond une critique acerbe sur
l’absurdité de la religion, sur la bêtise des dogmes instaurés par cette
dernière…
On
se croirait retourné sous le temps de l’Inquisition…
C’est
filmé magistralement, les plans d’apparitions du père donnent presqu’un aspect
fantastique au film, il baigne dans une ambiance très onirique, du jamais vu au
septième art !
Il n’est pas étonnant que ce film, même si
très difficile d’accès, ait raflé autant
de récompenses, il y émane une atmosphère magique, insolite et l’austérité de
certaines scènes est transcendée par le talent, le génie de Bergman qui rend sa
perception hors du temps…
Il
convient de faire plusieurs pauses lors du visionnage pour l’apprécier
pleinement et pour capter l’aura et l’essence de chaque séquence, c’est un film
très dense, foisonnant et remarquablement mis en scène, on en sort groggy et
longtemps habités par ces passages intemporels et cette singularité comme pour
chaque film de Bergman, en fait…
C’est
peut-être le plus grand metteur en scène de tous les temps avec Kurosawa…
Pour
la première heure, il faut s’armer de la plus grande patience, je le reconnais,
mais ça valait le coup d’avoir attendu parce que la suite, franchement, est à
la hauteur et nous plonge dans une histoire mélodramatique, dans un pamphlet
sur la religion avec une vision sur l’influence de ce qu’elle peut donner sur
le monde…
Finalement,
« Fanny et Alexandre » est un film toujours d’actualité, il a
traversé les décennies avec cette thématique du pouvoir de la religion et
Bergman a vu juste depuis toujours, il a su capter l’éclatement d’une jeunesse
(personnifiée par Alexandre) en cas de refus de soumission à ce diktat de la
religion (symbolisée par l’évêque)…
« Fanny
et Alexandre « est une œuvre essentielle du cinéma et Bergman y
signe un de ses plus beaux films, il convient de le visionner pour comprendre pleinement
le cinéma d’auteur et l’intelligence du message qu’a voulu transmettre Bergman,
même si c’est vrai que certains spectateurs risquent de décrocher en début de
visionnage, alors un seul conseil, mettez le film sur pause et reprenez le
tranquillement après, ça vaut vraiment la peine d’être vu !
Note :
10/10
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