samedi 29 mars 2014

SPRING BREAKERS d'Harmony Korine, 2012

SPRING BREAKERS
de Harmony Korine
Etats Unis
2012
avec Vanessa Hudgens, James Franco, Selena Gomez, Ashley Benson, Rachel Korine
94 minutes
Polar décalé/étude de moeurs
Synopsis :
Quatre jeunes femmes à peine sorties de l'adolescence mènent une vie d'universitaires désabusées et insouciantes...
Elles font volontiers la fête à outrance, mêlant sexe, drogues douces et dures et éthylisme poussé à maxima lors d'orgies avec leurs amis...
Alors qu'elles se retrouvent sans un dollar en poche, elles commettent un braquage dans un restaurant...
Parties en villégiature sur la côte de la Floride, elles se font appréhender par la police...
Al dit "Alien" un dealer notoire assiste à leur procès...
Après les avoir fait libérer en payant leur caution, il les prend sous sa protection et va leur enseigner son "business"...
Sur les quatre filles une rentrera au bercail (Faith), les trois autres seront embrigadées de plein gré dans les combines d'Alien et vont connaître un enfer sans billet de retour !
Mon avis :
"Spring breakers" est avant tout un film choc, bien plus malin et intelligent qu'il pourrait paraître...
Un piège se referme sur les jeunes filles, aussi bien que sur le spectateur, appâtées par le gain et le sexe, pensant se "trouver" alors qu'au final elles se "perdent"...
Le folklore du gangster à la Tony Montana est de nouveau perpétré dans le film avec un côté moins viscéral que fun, doublé par l'inconscience de personnes désoeuvrées et paumées dans l'âme, ne pouvant qu'observer une issue funeste d'une noirceur absolue...
Il y a un côté pathétique et touchant en même temps dans "Spring breakers" au carrefour du polar moderne et de l'étude de moeurs ciselée, où s'articulent des thématiques comme la consommation de produits addictifs (la drogue, l'alcool mais aussi la vénalité et la perversion sexuelle) et la désespérance d'une jeunesse prise entre le marteau de l'intégration et l'enclume de la tentation d'une vie festive...
D'une réalisation fluide et rapide mais parfaitement lisible, "Spring breakers" est un métrage hybride, à mi chemin entre film expérimental et traditionnel, doté de comédiens en roue libre qui semblent ""vivre" leurs rôles comme dans le réel...
Cauchemar crédibilisé par l'émotion des trois héroïnes qui perdent pied rapidement et se "réfugient" dans la violence comme d'autres trouveraient un exutoire afin de pallier à leurs angoisses, Korine trouve la force nécessaire pour insuffler de l'innocence à ces créatures qui en sont dépourvues, sorties de l'adolescence et en mutation transitoire entre l'âge adulte affirmé et les repères éclatés, se cherchant et pensant se trouver dans cette vie anarchique et superficielle, que leur propose Alien...
A la fois axé sur la tentation et le délabrement, il manquerait juste un côté initiatique au film, il est exempt de la moindre rédemption  vis à vis des héroïnes, ce qui accentue et amplifie de fait le malaise provoqué chez le spectateur et fait ressortir ce dernier collapsé à la fin du visionnage...
"Spring breakers" est assurément un grand film qui laisse une empreinte, qui s'ancre bien dans son époque et qui ose toutes les transgressions pour appuyer son propos de manière très rigoureuse...
Une belle réussite !

Note : 9/10






jeudi 27 mars 2014

SCRE4M de Wes Craven, 2011

SCRE4M
aka SCREAM 4
de Wes Craven
Etats Unis
2011
avec Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox, Hayden Pannetierre
100 minutes
Slasher
Synopsis :
Ville de Woodsboro, ancien théâtre de crimes commis par un tueur masqué qui fit régner la terreur et fut l'objet d'un culte médiatique auprès des adolescents de la commune...
Sidney Prescott, une des emblématiques anciennes victimes, arrive pour faire une séance de dédicaces de son livre, largement autobiographique...
Les personnages des anciens segments réapparaissent : Gale Weathers, la journaliste arriviste, le flic de l'époque est devenu shériff, et bien sûr les meurtres repartent de plus belle !
Sidney doit protéger sa nièce et les lycéens ont toujours le culte du film d'horreur dans les veines !
Lors d'un marathon filmique appelé le "Stabathon" en référence aux films "Stab", c'est le carnage !
On ne sait plus sur qui porter les soupçons tant le (les ?) tueur(s) arrivent à brouiller les pistes avec une maestria sidérante !
Au coeur de l'issue, Sidney en fera les frais et sera surprise de découvrir l'identité du meurtrier...
Mon avis :
Bénéficiant de moyens budgétaires très conséquents, ce quatrième opus de la saga "Scream" peine hélas à retenir l'attention du spectateur, ressassant les thématiques antérieures de "whodunit" avec un manque de relief flagrant...
On a le sentiment que Craven n'y croit plus et "subit" son film au lieu de le transcender comme il sait si bien faire d'habitude...
On a tous les stéréotypes du slasher made in USA mais trop de clichés font que la mayonnaise n'arrive plus à prendre, les personnages connexes aux principaux sont affligeants de bêtise et l'ensemble sonne faux...
On reste sur sa faim et l'idée d'intégrer la technologie dans les techniques narratives de meurtres avec Internet et les I phones est un gimmick qui se décline à outrance dans le métrage...
Restent comme points positifs les effets gore plutôt réussis et le charme des actrices mais il manque la consistance et surtout la franchise qui fait qu'on réussit un film !
Neve Campbell, Courtney Cox et David Arquette donnent l'impression de rempiler uniquement pour l'argent et cela se sent dans l'implication de leur interprétation, totalement à contre courant d'autres acteurs de slashers (il suffit de se remémorer Jamie Lee Curtis dans "Halloween" ou d'autres)...
Woodsboro se referme sur les personnages comme un microcosme et l'issue avec le dévoilement de l'identité des meurtriers  n'est pas crédible et relègue "Scre4m" à une farce de potaches ratée...
Le slasher est loin d'être ce qu'il était, préférons largement les années 80 où le genre brillait au firmament et où l'on ressentait de réels frissons et non des pantalonnades puériles et vénales comme ici !
Note : 3/10








KAGEMUSHA d'Akira Kurosawa, 1980

KAGEMUSHA
aka L'ombre du guerrier
d'Akira Kurosawa
Japon/Etats Unis
1980
avec Tatsuya Nakadai, Tsutomu Yamazaki, Kenichi Hagiwara, Jinpachi Nezu
153 minutes
Palme d'or Festival de Cannes 1980, César du meilleur film étranger 1980
Produit par George Lucas et Francis Ford Coppola
Drame/Guerre
Synopsis :
Province du Japon, 1572...
Les conflits et batailles armées font rage et le roi meurt lors d'un tir de mousquet..
Shingen Takeda, son sosie, est désigné comme Kagemusha, c'est à dire le "guerrier de l'ombre" pour faire croire que le roi vit toujours et ce pour une durée de trois années !
Il est mandaté par les comparses du roi dont son frère, Nobukado, et quelques autres, qui doivent garder le secret et surtout veiller à ce que le clan ne découvre pas la supercherie, sans quoi ce serait une catastrophe stratégique !
Les batailles s'enchaînent à un rythme épique et effréné faisant des milliers de morts !
Lors de la prise du château de Noda, le clan Takeda gagne la bataille dans un déluge d'hémoglobine !
Le petit fils du roi se prend d'affection pour le Kagemusha mais, au terme de la mascarade, il devra accepter que celui ci n'est pas son grand père...
L'issue du film sera tragique et ne laissera aucun compromis aux âmes guerrières, pris dans une spirale de violence et de mort, malgré une volonté et une force de gagner la bataille à tout prix !
Mon avis :
Illustre metteur en scène, Kurosawa prouve une nouvelle fois qu'il est LE maître du cinéma japonais avec ce "Kagemusha" qui glanera moult récompenses amplement méritées autour du globe...
Appuyée par une production occidentale de George Lucas et Francis Ford Coppola, l'oeuvre se suit de façon linéaire, énormément axée sur l'aspect graphique et pictural (certaines séquences jou(iss)ant de couleurs multiples rappellent des peintures) et l'interprétation est absolument remarquable du côté des comédiens, tous plus impliqués dans le cinéma de Kurosawa les uns que les autres, déchaînant et détachant la simple direction d'acteurs pour "habiter" leurs personnages, s'introduire dans la peau de ceux ci comme rarement vu au septième art...
Avec "Kagemusha", il est impossible d'occulter ces combats totalement hors du temps où des rangées entières de soldats se tuent dans  des armadas identifiées par des drapeaux de couleurs différentes, symbolisant l'identité de ces castes ennemies lors d'assauts aussi frénétiques que désespérés...
De nombreuses thématiques, comme l'instrumentalisation (le personnage du Kagemusha) ou les codes de l'honneur, chères à Kurosawa se voient exploitées mais aussi une volonté de toucher sans arrêt la perfection, d'atteindre des sommets se trouve transfigurée dans "Kagemusha" avec des morceaux de bravoure se savourant via une finesse de traitement commune au cinéma japonais, loin des exubérances hollywoodiennes...
Toute la génèse du cinéma japonais des années 80 vient de ce film magistral à avoir visionné absolument pour se rendre compte d'une culture et d'un mouvement cinématographique à part entière, le cinéma de Kurosawa, qui se distingue de tous les autres !

Note : 10/10







samedi 22 mars 2014

La vengeance aux deux visages de Marlon Brando, 1961

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES
de Marlon Brando
Etats Unis
1961
aka One eyed Jacks
avec Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Pina Pellicer
141 minutes
Western anticonformiste
Synopsis :
Une petite ville du Mexique, 1880...
Dad Landworth et Rio, deux malfrats, braquent une banque et s'échappent juste après...
Repérés, ils sont poursuivis par une dizaine de guerilleros jusque dans les collines adjacentes...
Leur cheval étant en fin de vie, ils tirent à pile ou face pour savoir lequel des deux ira chercher une deuxième monture afin de sauver l'autre et de s'échapper avant l'arrivée des gardes...
Dad est tiré au sort...
Il ne reviendra jamais, laissant Rio se faire capturer...
Ce dernier passera 5 années en prison !
S'échappant de sa geôle, il jure de retrouver Dad Landworth et de lui faire payer sa traîtrise...
A peine revenu dans sa ville d'origine, il apprend que Dad est devenu le shériff local...
Après des retrouvailles plutôt tendues, Rio rencontre la famille de Dad...
Il tombe fou amoureux de sa belle fille, la jeune Louisa !
Mon avis :
"La vengeance aux deux visages" est un film exceptionnel à plus d'un titre, il faut savoir qu'à la base il était réalisé par Kubrick qui passa 26 semaines de son temps sur le projet et que le scénario original était de Sam Peckinpah !
Suite à divers différends sur la production, c'est Marlon Brando qui reprit entièrement les rênes pour accoucher dans la douleur de ce film magnifique !
Totalement en contre courant des westerns habituels et prenant le contre-pied des autres (alors que le genre était balbutiant avec l'arrivée des westerns spaghetti de Sergio Leone), Brando opte pour une vision oedipienne et masochiste via son héros (qu'il incarne avec une grâce et une fluidité rares) confronté au sadisme d'un shériff sans complaisance, aveuglé par la vanité et l'obsession de faire régner l'ordre, fut ce au prix de mensonges et de trahisons...
Brando y greffe une histoire d'amour fou, sensorielle et passionnée, servant alors de levier pour appuyer l'originalité du métrage et transcendant ainsi une banale histoire de vengeance en lyrisme viscéral doté d'une puissance plutôt gonflée pour un film qui se catalogue comme un western alors qu'il explose tous les codes de ce genre...
Le film n'en oublie pas d'être très captivant mais s'axe moins sur la surenchère que sur la psychologie de ses protagonistes, renflouant le prévisible pour atteindre un niveau très alambiqué, jonglant entre duels, confrontation avec l'autorité paternelle et vengeance subtile qui se mange glacée...
Ne reculant devant aucun stratagème, Brando fait preuve d'une grande habileté dans les choix de ses décors (la mer et les vagues sont omniprésentes) et renvoie dos à dos tout ce qui a été vu auparavant dans le genre, créant ainsi une articulation entre le western classique et le cinéma moderne, presque "d'auteur"...
Le dernier quart d'heure est un modèle de suspense et le final rend aisément honneur à la justice puisqu'il s'agira d'une happy end !
"La vengeance aux deux visages" est un film magnifique qui se doit d'être vu, pas seulement pour les fans puristes de westerns mais également pour le public lambda, il y est démontré une nouvelle fois les énormes capacités de Brando et met en lumière le génie de cet homme, à la fois charismatique et omniprésent tout le long...

Note : 10/10






dimanche 16 mars 2014

CROC BLANC de Lucio Fulci, 1973

CROC BLANC
de Lucio Fulci
Italie
1973
aka Zanna Bianca
Réalisateur assistant : Tonino Ricci
avec Missael, Franco Nero, Virna Lisi, Fernando Rey, John Steiner, Raimund Harmstorf
Aventures
d'après le roman de Jack London
99 minutes
Synopsis :
Etat du Klondike dans le Grand Nord américain, ville de Dawson city en 1890...
Mitsah, un jeune indien, se lie d'amitié avec un magnifique chien loup, Croc Blanc...
Alors que le garçonnet est en danger de mort, il est sauvé in extremis par l'animal...
Souffrant de séquelles, son père décide d'emmener Mitsah dans la ville de Dawson City afin qu'on lui prodigue les soins adaptés...
La ville est sous le joug de Smith, un tyran escroc perfide qui contrôle les puisements d'or et fait régner l'autoritarisme sur la population...
Arrive Jason, un journaliste et son ami fonctionnaire qui doit contrôler la légalité du business de Smith...
Le révérend a un penchant pour l'alcool alors que sa propre fille est fille de joie dans le saloon local...
Le père de Mitsah est tué suite à un refus à Smith d'acheter Croc Blanc !
Les choses vont s'accélérer à vitesse grand V lorsque Smith sera démasqué, avec comme point commun Croc Blanc, exploité, qui devra combattre un ours et aider Jason dans ses pérégrinations...
Mon avis :
Librement adapté du roman éponyme, "Croc Blanc" est un film très sympathique qui bénéficie d'un budget confortable et où le Maestro Fulci peut intégrer sa patte tout en gardant les conventions du livre de Jack London, ce qui donne au final un métrage hybride aux carrefours du film d'aventures pur et du film animalier teinté du sadisme auquel Fulci nous a habitués régulièrement...
Moult invraisemblances sont présentes mais cependant le plaisir n'est pas gâché tant le spectateur n'a pas le temps de s'ennuyer une seule minute grâce à un montage serré et une dynamique dans les situations ficelée avec la grande expertise de Fulci, grand artisan du film populaire...
Les paysages sont par ailleurs magnifiques et c'est un régal absolu de les contempler sous cet angle, magnifiées lors de séquences de haute volée (les montagnes, la poursuite dans la forêt, le bateau sur la rivière) et l'interprétation est exemplaire, eu égard à un casting de premier choix (Fernando Rey exceptionnel en pasteur alcoolique et John "Christiano Berti" Steiner étonnamment à l'aise dans son rôle de pourri intégral !)...
Le duo Franco Nero/Raimund Harmstorf rappelle quelque peu Bud Spencer/Terence Hill mais, à part une bagarre bien sentie, la comparaison s'arrête là !
Sans doute l'un des films les moins personnels de Fulci, "Croc blanc" est un spectacle où l'on se délecte et où l'on oublie son quotidien et qui, paradoxalement, n'a pas beaucoup vieilli malgré plus de quarante années au compteur, les fans de grands espaces et d'aventures bon enfant y trouveront facilement leur compte et ne s'ennuieront pas devant un métrage qui remplit son contrat, tient en haleine suffisamment pour retenir l'attention voire captive...
Ce n'est pas si mal car "Croc blanc" aurait pu être un film naïf et mielleux mais grâce à Fulci
on peut dire qu'il convient à tous les publics, même celui adulte...
Un bel exemple de ce qu'étaient capables de produire les cinéastes italiens sur des co productions anglo saxonnes, intégrant une nouvelle approche, revigorante et exempte de prétention...

Note : 8.5/10





samedi 15 mars 2014

ICHI THE KILLER de Takashi Miike, 2001

ICHI THE KILLER
de Takashi Miike
Japon
2001
avec Tadanobu Asano, Nao Omori, Shinya Tsukamoto, Paulyn Sun
Adaptation de manga gore
129 minutes (sur la version uncut)
Synopsis :
Japon, années 2000...
Kakihara, le sbire d'un chef de gang doit par tous les moyens retrouver son patron, un yakuza notoire qui a disparu...
Très vite, les conclusions de ses investigations confirment la mort de ce dernier...
Il est secondé par une jeune et très belle femme, Karen, habituée d'un lupanar local...
Bientôt et de fil en aiguille, Kakihara comprend qu'un mystérieux tueur aux lourds antécédents, nommé Ichi, zigouille tous les membres de la pègre !
Il a une arme redoutable, une lame cachée dans le talon de sa chaussure et commet carnages sur carnages...
Kakihara doit le stopper par tous les moyens...
La lutte va s'avérer coriace et sanguinolente, jonchée de cadavres et faisant preuve d'une brutalité hors normes !
Mais que cache le passé d'Ichi ?
Mon avis :
"Ichi the killer" est un film très brutal (trop brutal ?) mais cette violence prend le contre-pied de ses limites par une mise en scène très esthétique où Takashi Miike s'est doté de moyens conséquents multipliant les effets graphiques et les trucages paraboliques (ce n'est pas pour rien que le film est adapté -fidèlement- d'un manga très connu au Japon)...
Certes, il n'y a aucune demi mesure, Miike s'est totalement lâché et les séquences gore sont légion et à flots, ne ménageant ni femmes ni enfant (avec des plans de viols et de tabassages extrêmement difficiles et jusqu'au-boutistes !)...
Vous l'aurez compris, "Ichi the killer" est donc destiné à des spectateurs aux nerfs solides et, si l'on passe outre et que l'on accepte cette condition sinéquanone, le film se suit bien via un scénario fluide ponctué d'une dynamique intéressante et de combats toniques...
La musique récurrente avec cette batterie vrombissante amplifie la rapidité d'un métrage très fouillé et qui suggère de le revisionner pour bien capter toutes ses facettes, à l'instar des films extrêmes de sa catégorie...
Le personnage d'Ichi, véritable anti héros, avec un trauma dans son passé, le place à la fois comme martyr et tortionnaire et Kakihara semble être son alter ego, à la fois sadique et masochiste, comme prenant un plaisir à recevoir des coups aussi bien qu'à en donner (Miike a su exploiter parfaitement ce postulat pour canaliser la pathologie de ces deux personnages)...
La souffrance semble bel et bien être le point d'orgue et la clef de voûte d'"Ichi the killer" et son dénouement surprenant renvoie les protagonistes à leurs difficultés antérieures et se clôture funestement et habilement par un combat multiple ponctué de flashs (comme on en trouve souvent, disséminés le long du film)...
Intelligemment conçu et regorgeant de trouvailles, "Ichi the killer" préfigure un certain cinéma extrême japonais et se hisse aisément au dessus de la mêlée, Takashi Miike prouvant une énième fois la qualité de son sens de la réalisation, appuyée par un rythme sans failles et une direction d'acteurs ciselée et en accord avec le côté extrême qui transpire tout le long de l'oeuvre...
Dans le genre, "Ichi the killer" est sans nul doute une référence !

Note : 9/10





dimanche 9 mars 2014

La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, 2013

LA VIE D'ADELE
d'Abdellatif Kechiche
France
2013
avec Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos
Chronique de moeurs
180 minutes
Palme d'or Festival de Cannes 2013
Synopsis :
Ville de Lille, de nos jours...
Adèle est une jeune fille, étudiante en lettres au lycée Pasteur, elle est dotée d'un énorme sex appeal qui fait chavirer les garçons...
Après une expérience amoureuse sans lendemain et qui ne lui laisse que peu d'empreinte, elle suit un de ses amis dans un bar gay de la ville...
Elle fait la connaissance d'Emma, une lesbienne à la chevelure bleutée qu'elle avait déjà croisée subrepticement et fugacement dans une rue de Lille, peu de temps auparavant...
Très vite, leur amour devient fou et fusionnel, explosant tous les clichés et les codes inhérents à la passion...
Peu de temps après et comme Adèle l'avait voulu, elle devient institutrice dans une école maternelle...
Une relation éphémère avec l'un de ses collègues va tout faire chambouler, Emma les ayant vus s'embrasser lors du retour d'Adèle...
Emma, folle de rage, va mettre Adèle à la porte et mettre un terme à leur relation...
Adèle est meurtrie jusqu'au plus profond d'elle même et ne se remettra jamais de cette rupture qu'elle vit comme un échec et une blessure incurable...
Mon avis :
"La vie d'Adèle" est simplement un pur chef d'oeuvre qui frôle presque le cinéma expérimental tant l'acuité d'Abdellatif Kechiche à rendre simples et évidentes les choses force le respect...
Admirable en tous points, son film transgresse les tabous et va très loin dans le réalisme, n'occultant jamais qu'une histoire d'amour est faite de larmes et de sexe...
Sexualité débridée certes, mais NECESSAIRE pour comprendre l'amplification et la liaison charnelle qui lie les deux héroïnes, corps imbriqués physiquement mais aussi mentalement pour un amour que nul ne penserait pouvoir briser tant le feu foudroyant domine les deux femmes...
Techniquement, Kechiche fait preuve d'une maîtrise totale et emploie des mouvements de caméras gracieux et intégrés dans l'espace de façon juste, un grand travail a été fait notamment lors de plans sur le visage d'Adèle qui la suit sur un long mouvement à deux reprises dans le film (lorsqu'elle sort du lycée et lorsqu'elle quitte le vernissage)...
La direction d'actrices est extrêmement juste et les deux comédiennes jouent à un niveau de perfection peu atteint dans le cinéma français (la scène du clash annonçant la rupture m'a arraché des larmes, tout y est concis, précis et vraiment similaire au réel)...
Il y a de nombreuses allégories dans "La vie d'Adèle" comme ces feuilles qui volent, emmenées par le vent, dans un parc, au dessus du corps d'Adèle allongée sur un banc, ou ce passage incroyable et hors du temps d'une des séquences finales, dans le café, où la discussion entre les deux femmes fait penser à celle du parloir d'une prison, Adèle prisonnière, enfermée dans l'illusion d'un amour renouvelé et qui demande à Emma de la masturber, comme un détenu le demandera à son épouse, cette scène est très forte et d'une intensité rare !
D'une force imparable, "La vie d'Adèle" laissera une trace indélébile dans le cinéma hexagonal et peu de métrages ont réussi à atteindre un tel degré dans la retranscription d'un amour, à fortiori dans cette gageure pour Kechiche puisqu'il s'agit en l'occurrence de deux femmes, ce qui accentue encore plus la difficulté pour le cinéaste...
Tout simplement magique et magnifique "La vie d'Adèle" est une incroyable performance et une étape supplémentaire franchie dans la qualité au septième art, qui imprègne de sa patte et de son style tout un pan de la société, à l'heure du "mariage pour tous", bien ancrée dans l'évolution des moeurs et témoignant d'une intelligence de traitement rarement vue auparavant...

Note : 10/10






dimanche 2 mars 2014

De Nuremberg à Nuremberg de Frédéric Rossif, 1988

DE NUREMBERG A NUREMBERG
de Frédéric Rossif
France
1988
180 minutes
Diffusé à l'époque sur Antenne 2
Documentaire historique
Coffret DVD sorti aux éditions Montparnasse
Musique de Vangelis
Synopsis :
"De Nuremberg à Nuremberg" est un documentaire minutieux et extrêmement précis dans son approche qui relate et retrace en détails l'ascension d'Adolf Hitler au pouvoir de l'Allemagne, la création du troisième Reich, l'arrivée de la seconde guerre mondiale, le génocide et l'extermination du peuple juif pour se clôturer par la libération et le châtiment des membres SS lors du fameux procès de Nuremberg...
Frédéric Rossif nous montre des images d'archives très équivoques ponctuées de données chiffrées très appuyées et rigoureuses...
Il nous donne un cours d'histoire sur l'horreur avec un grand "H" de cette guerre folle où les délires d'un seul homme (en l'occurrence Adolf Hitler) ont pu amener, manipuler et convaincre des dizaines de millions d'autres...
"De Nuremberg à Nuremberg" retranscrit alors les réactions des autres pays d'Europe face à l'avènement des SS, notamment les alliances de certains hommes politiques à la tête de pays comme l'Italie (Mussolini) ou l'Espagne (Franco), mais aussi les premiers à être persécutés par Hitler comme la Pologne ou la Yougoslavie...
Comme la guerre est mondiale, Rossif n'occulte rien ni aucun pays...
Il est également question du Maréchal Pétain dans l'hexagone, de la fuite du général de Gaulle en Grande Bretagne mais aussi du Japon, de Pearl Harbor et des avions kamikazes, ainsi que du génocide de la communauté tzigane...
Mon avis :
Véritable cours d'histoire à grande échelle et condensé en trois heures d'un pan des événements qui allaient perturber le monde entier durant une demie douzaine d'années (entre 1939 et 1945), "De Nuremberg à Nuremberg" frappe d'abord le spectateur par sa concision, sa précision et son côté très carré...
Rien ne nous est épargné, l'horreur de la guerre nous est dévoilée avec lucidité et réalisme, nous plongeant en quelques minutes dans des situations, dans une réalité qui a (malheureusement) existé et amené des populations entières (par dizaines de millions) soit à l'exode soit à la mort via les camps de la mort, les chambres à gaz...
Il n'est nullement besoin d'être historien ou expérimenté en la matière pour comprendre ou appréhender "De Nuremberg à Nuremberg" tant Rossif sait adapter son propos au plus lambda des spectateurs, par des phrases simples et compréhensibles, à la portée de tous...
Très fouillé et documenté en totalité sur les faits, Rossif privilégie plus le pragmatisme que les effets chocs et parvient à ne jamais sombrer dans la facilité du voyeurisme, les derniers passages sur les corps des juifs morts jetés dans la fosse des camps de la mort sont terribles mais nécessaires d'être divulgués et impossibles à occulter, pour comprendre et appuyer la finalité du documentaire...
Ainsi, le spectateur se REND COMPTE CONCRETEMENT des méfaits du nazisme et de cette abjection, il canalise en direct live les sombres conséquences de ces idées nauséabondes et délétères comme la "race parfaite" voulue par Hitler...
Le plus marquant, en définitive, c'est ce moment improbable et glaçant lorsque les images des cadavres rachitiques sont montrées aux anciens nazis, installés dans les gradins du tribunal de Nuremberg et qu'ils semblent "découvrir" pour la première fois, alors que la voix off explique que tout le monde, des fonctionnaires du troisième reich aux aiguilleurs des transports, était informé du sort réservé aux juifs dans ces camps de la mort...
"De Nuremberg à Nuremberg" est une plongée foudroyante vers une partie de l'Histoire (ra)contée avec une précision exemplaire et se doit d'être impérativement visionnée, notamment pour les plus jeunes publics, c'est d'ailleurs pour cela qu'il est diffusé en cours d'histoire dans les collèges...
Inoubliable et nécessaire.

Note : 10/10