mardi 11 avril 2017

L'homme sans passé d'Aki Kaurismaki, 2002

L’HOMME SANS PASSE
d’Aki Kaurismaki
2002
Finlande/France/Allemagne
avec Kati Outinen, Markku Peltola, Juhani Niemela, Sakari Kuosmanen, Kaija Pakarinen
Film d’auteur/drame
97 minutes
Grand prix du Festival de Cannes en 2002
aka Mies Vailla Menneisyytta
Synopsis :
Ville d’Helsinki, Finlande, début des années deux- mille…
Après un voyage de nuit en train, un homme sort de la gare et s’assoie sur un banc ; soudain il est violemment agressé par trois hommes, dont un skinhead qui lui assène plusieurs coups de batte en pleine tête, les coups sont si violents que les voyous le laissent pour mort, après lui avoir dérobé son argent et jeté ses papiers dans une poubelle…
Peu de temps après, le jeune homme arrive en sang dans les toilettes de la gare, il s’écroule et un employé prévient la police ; plus tard, à l’hôpital, la mort clinique est constatée par le médecin de garde…
Par un miracle inexpliqué (on suppose une catalepsie), l’homme se relève et quitte l’hôpital pour se retrouver allongé dans un terrain vague, à la périphérie de la ville…
Deux garçonnets le trouvent et décident de s’occuper de lui, il est recueilli dans un bidonville peuplé de SDF et ces derniers le nourrissent et lui fournissent des vêtements ; suite au choc de l’agression, l’homme est devenu complètement amnésique et ne souvient même plus de son nom…
Irma, une employée de l’armée du salut, prend empathie pour lui…
Ayant pu trouver une activité très précaire payée au lance-pierres, l’homme doit se rendre à la banque pour ouvrir un compte ; c’est alors qu’un gangster braque la guichetière et l’enferme avec l’homme dans un coffre-fort de la salle du sous-sol…
La photo prise par la caméra de surveillance où l’on voit l’homme se retrouve en première page d’un quotidien, sa femme le reconnaît !
Mon avis :
Le propos d’Aki Kaurismaki, illustre cinéaste finlandais bien connu des fans de films d’auteur, est axé sur les relations humaines et sur l’humanisme dans ce « Homme sans passé » qui navigue avec brio à contre-courant du cinéma classique pour se concentrer avant sur un homme, amnésique, recueilli par des sans- logis ; la mise en scène est sobre, dépouillé, un peu comme les décors que l’on voit et les frêles gens qui peuplent l’histoire…
Kaurismaki choisit de ne pas opter pour le misérabilisme mais plutôt sur la richesse des sentiments humains à défaut d’avoir la richesse financière ; ces séquences de soupes populaires, de dénuement absolu touchent le spectateur en plein cœur et les trognes des acteurs sont pour beaucoup dans l’appui du réalisme du film…
Le postulat semble parti de nulle part (une agression terrible, un homme laissé pour mort) pour petit à petit se muter en aventure humaniste simple et authentique, gonflée par la tendresse des personnages (Irma est incarnée avec justesse par Kati Outinen), proche de films comme « Hasta La Vista » ou « Bad boy Buddy », « L’homme sans passé » est en outre un OFNI (objet filmique non identifié) qui ramène à l’essence brute du cinéma…
Pas d’action, pas de violence (hormis le début) mais une histoire décalée avec ce que nous avons l’habitude de voir et qui vaudra le grand prix du festival de Cannes à Kaurismaki en 2002, une œuvre marginale qui se suit au fil de l’eau et qui pourra décontenancer les spectateurs fermés au cinéma d’auteur (car là on est en plein dedans !)…
Malgré un aspect hermétique, « L’homme sans passé » se savoure avec bonheur, comme venu du froid, un peu comme le cinéma des débuts de Kurosawa était venu du Japon…
« L’homme sans passé » est une belle découverte, alliant tendresse et émotion, authenticité et empathie ; le rebondissement du scénario avec le braquage aurait pu faire penser à une issue salvatrice mais il n’en est rien, Kaurismaki prend le parti-pris de l’intelligence et de la justesse et nous ramène face à la réalité, un peu comme dans les films de Ken Loach…
Parfaitement interprété, « L’homme sans passé » est un témoignage du film d’auteur finlandais, atypique dans sa conception et impeccable dans la direction d’acteurs…
Kaurismaki poussera le jusqu’auboutisme en refusant de se rendre à la cérémonie des Oscars où le film était nominé comme meilleur film étranger, alors que le conflit dans le Golfe faisait rage, il écrivit un courrier où il mentionna qu’il refusait de cautionner la barbarie de l’intervention en Irak…
Cet humanisme forcené lui rend honneur et le film donne un aspect très intéressant du cinéma scandinave, très singulier et capiteux, mais néanmoins digne du plus grand intérêt…
Un film à découvrir pour les plus ouverts d’entre vous !

Note : 9/10





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