samedi 30 avril 2016

Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, 2000

BAISE-MOI
de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi
2000
France
avec Karen Bach, Raphaela Anderson, Elodie Chérie, Jean Louis Costes, Delphine Mac Carty, Adama Niane, Ouassini Embarek, Marc Barrow, Titof, Romain Defarge
Road movie pornographique
77 minutes
Produit par, entre autres, Gaspar Noé
D’après le roman éponyme de Virginie Despentes
Synopsis :
Région parisienne, Biarritz, les Vosges, début des années deux mille…
Nadine, une superbe brune d’une vingtaine d’années vit dans un appartement du Val de Marne avec une colocataire, elle ne travaille pas et végète, ayant du mal à s’insérer dans la société, elle rythme son quotidien en se masturbant devant des films pornographiques, en fumant du cannabis ou en buvant de l’alcool à outrance, elle accepte de faire des passes de temps en temps pour se faire un peu d’argent…
Manu, une jeune fille maghrébine, est violée par trois hommes, avec une autre fille…
Manu ne dit mot lors du viol alors que son amie le vit très mal et hurle…
Francis, un ami toxicomane de Nadine, est abattu en pleine rue…
Le destin va faire se croiser les deux jeunes femmes, ces dernières, refusant la soumission et la fatalité, vont commettre plusieurs crimes, ponctué de sexe et d’alcool, leur quotidien va atteindre son paroxysme lors du casse d’un coffre- fort d’un richissime négociant…
Parfois paumées, toujours touchantes et attachantes dans leur désarroi, Nadine et Manu vont tutoyer la plénitude le temps d’un éclair, recherchées par toutes les polices de France, elles vivent à cent à l’heure, ne se préoccupant plus de quoi que ce soit et ne pensant qu’à assouvir leurs pulsions et leur instinct…
Jusqu’au jour où tout bascule…
Mon avis :
Tourné en six semaines, « Baise-moi » demeure encore seize années après sa sortie un film d’une force et d’une intensité incroyables, sa crudité est le synonyme de sa sincérité, on ne peut qu’être subjugué par la mise en scène du tandem Trinh Thi/Despentes et surtout sidéré par le jeu des deux actrices principales, elles se sont lâchées totalement, le résultat est prodigieux et, outre les scènes effectives de pornographie, « Baise-moi » est avant tout un thriller mâtiné de road movie à la sauce féministe assumée de bout en bout, un peu une déclinaison extrême et hexagonale de « Thelma et Louise »…
Despentes et Trinh Thi prennent le parti pris de ne rien occulter sur le malaise des deux jeunes femmes, malaise qui va se transformer en catharsis par le biais d’un « jeu », un peu une « compétition » sur laquelle des deux ira le plus loin, les deux femmes s’entrainant mutuellement et forçant le passage de toute convention, de toute loi, de toute règle…
Il y a des séquences magiques et uniques dans « Baise-moi », comme cette scène jubilatoire où Nadine et Manu dansent dans la chambre d’hôtel, elle rappelle la scène de la discothèque dans « Polisse » de Maïwenn, ce sont ces éclairs de génie qui illuminent et irradient un film et le rendent inoubliable…
Les deux actrices sont totalement immergées et imbriquées dans leurs rôles, comme si elles s’étaient transférées dans leurs personnages, leur prestation est d’autant plus bouleversante quand l’on sait que Karen Bach s’est suicidée peu de temps après, le côté émotif et viscéral de Nadine est décuplée, dès lors…
Raphaëla Anderson et son charme candide et juvénile met tout le film à plat, elle est comme le soleil pour Nadine, blasée et perdue, le soleil qui va lui faire retrouver goût aux choses et à la vie, sa vie qui devenait une nébuleuse faite de loose et de plans minables…
Il y a un côté « Natural born killers » dans « Baise-moi » rehaussé par une sincérité et un refus du conformisme qui en fait un film très marginal, pas donné à tout le monde, déjà par sa pornographie mais aussi par le discours qu’il apporte, outre le féminisme mais aussi l’anarchisation de la société qu’il propose (les gendarmes, symboles de l’autorité et des règles sont abattus froidement)…
Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi nous ont assénés un véritable coup de massue avec « Baise-moi » en livrant un film certes extrême mais finalement une belle histoire d’amitié amoureuse entre deux jeunes femmes qui se clôture de façon poignante…
Chapeau aux deux réalisatrices et aux deux actrices, on sort du visionnage abasourdi et groggy…
Cette critique est dédiée à la mémoire de Karen Lancaume aka Karen Bach, partie beaucoup trop tôt…

Note : 10/10





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