mardi 14 octobre 2014

La poursuite impitoyable d'Arthur Penn, 1966

LA POURSUITE IMPITOYABLE
d'Arthur Penn
Etats Unis
1966
aka The chase
avec Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford, Robert Duvall, Angie Dickinson
Polar sombre
133 minutes
Synopsis :
Une petite ville du sud des Etats Unis dans les années 60...
Bubber Reeves, un prisonnier notoire dans la bourgade parvient à s'évader avec un de ses acolytes de cellule...
Lors de leur échappée, ils blessent mortellement un automobiliste et Bubber se fait trahir par le forçat qui était en cavale avec lui...
Il se retrouve seul et affamé...
Le shérif en charge de faire régner l'ordre, Calder, a été pistonné par un richissime magnat du pétrole qui contrôle tout, Val Rogers...
Pour son anniversaire en grande pompe, Rogers donne une cérémonie dans son ranch avec son fils, Jake, où sont conviés la presque totalité des habitants sauf Edwin Stewart et sa femme Emily, persona non grata...
Reeves, par l'intermédiaire d'un garagiste, retrouve sa femme, Anna, qui doit épouser Jake...
La rumeur se répand comme une traînée de poudre et tous les administrés de la ville, lourdement armés et alcoolisés veulent retrouver Reeves pour le tuer et appliquer la justice de façon arbitraire...
Ruby Calder, la femme du shérif, assiste impuissante au tabassage de ce dernier !
Une longue traque nocturne commence...
Mon avis :
Peinture au vitriol d'une Amérique décadente où whisky et argent coulent à flots, "La poursuite impitoyable" est un modèle de mise en scène avec des personnages dévoilés à contre-emploi (Brando n'est pas indestructible malgré sa carrure monolithique, les femmes sont des dépravées hystériques sauf Jane Fonda, qui tire son épingle du jeu brillamment, Redford est un forçat en cavale désabusé et Robert Duvall semble subir une frustration immense dans sa vie de couple)...
Techniquement, les plans se succèdent habilement et Arthur Penn nous gratifie de couchers de soleil magnifiques mais sait, mieux que quiconque, exploiter la nuit, nuit d'où vient le danger et qui efface toute limitation, où tout devient permis pour les "chasseurs", littéralement galvanisés par l'alcool, comme exempts de l'autorité du shérif, et voulant faire appliquer eux mêmes la "punition divine" (il y a également une critique sévère de la religion dans le film)...
Empreinte d'un racisme latent, cette "Amérique profonde" devient progressivement folle et ne discerne plus de limites, avec le levier éthylique et l'effet de masse, faisant ainsi boule de neige malgré l'autorité (représentée par le shérif Calder) qui s'avèrera bafouée et souillée...
Comme un rouleau compresseur de démence que nul ne peut stopper, la "justice" s'appliquera jusqu'à un final apocalyptique d'une violence rarement vue dans le panorama du cinéma américain des années 60...
Arthur Penn met en exergue la lâcheté des hommes lors de la séquence incroyable où le shérif dévale les escaliers, la chemise et le visage couverts de sang, personne ne lui vient en aide, personne ne fait le moindre geste mais chacun reste figé sans donner mot !
Imparable et sans compromis, "La poursuite impitoyable" est non seulement une oeuvre grandiose appuyée par des comédiens hors pair mais également une vision effrayante d'une société devenue victime de ses excès et cherchant à se donner raison alors qu'elle va droit dans le mur...
Véritable film "à part" et indélébile après visionnage, "La poursuite impitoyable" est, outre un immense mo(nu)ment de cinéma, le témoignage d'une Amérique incarnée par ses excès et ses outrances, où Arthur Penn ne ménage personne, que ce soit ses personnages ou le spectateur qui assiste, médusé, à un métrage hors du commun et sidérant par sa manière d'oser montrer les choses, si crûment et de façon si réaliste...

Note : 10/10






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