samedi 27 février 2016

Mais ne nous délivrez pas du mal de Joël Séria, 1971

MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL
de Joël Séria
1971
France
aka Don’t deliver us from evil
avec Jeanne Goupil, Michel Robin, Henry Poirier, Véronique Silver, Bernard Dhéran, Catherine Wagener
Fantastique
102 minutes
Edité en DVD chez mondomacabrodvd
Synopsis :
Une ville de province dans la France profonde du début des années soixante-dix…
Anne et Lore sont deux adolescentes issues de familles aisées, elles figurent parmi les pensionnaires d’une maison de bonnes sœurs, elles multiplient les transgressions face aux conventions du clergé, notamment en recrachant les hosties lors de la messe ou en faisant les quatre cents coups lors d’échappées perdues à la limite de l’illicite...
Anne découvre son corps juvénile et se caresse les seins devant un miroir, Lore allume un fermier qui manque de la violer, les deux jeunes filles ne se dévouent qu’à une seule cause, faire et provoquer le mal, elles ne semblent vivre que pour cela…
Anne prend un malin plaisir à torturer et tuer des petits oiseaux, Lore et Anne se découvrent des penchants pyromanes…
Après avoir mis le feu à une grange, elles tuent un automobiliste en lui fracassant le crâne alors qu’il tentait d’abuser d’elles…
L’aumônier, un vieil homme simplet, est tourné en ridicule et manque de se noyer lors d’une altercation avec les fillettes sur une barque, en pleine nuit…
Bientôt la police remonte la piste et tout coïncide vers Lore et Anne qui décideront de se suicider par immolation lors de la fête paroissiale devant une assemblée médusée !
Mon avis :
Couvert par son intelligence de traitement, « Mais ne nous délivrez pas du mal » aborde un sujet pour le moins discutable, tiré d’un fait divers, et Séria n’hésite pas à racoler lors de séquences libidineuses à la limite de la bienséance, c’est pour cela que le film fut banni dans plusieurs pays, eu égard au fait qu’il ose tout le temps et qu’il s’attaque frontalement à la religion et au christianisme…
Jeanne Goupil et Catherine Wagener sont extrêmement douées dans leurs compositions, elles semblent en roue libre dans une succession de saynètes parfois rudes à voir (les meurtres des oiseaux, apparemment non truqués ! la ligue de protection des oiseaux a du hurler !) et  le côté extrêmement sexué des deux ados sert de levier à Séria pour accentuer la perversité, la perversion et l’aspect transgressif du film, même si la qualité de la mise en scène  sauve l’ensemble…
Séria ne se contente pas d’accumuler ses plans mais chacun de ceux-ci sont imbriqués pour aller crescendo vers la folie douce qui prend les deux jeunes filles, comme si elles étaient victimes de bouffées délirantes lors de leurs échappées, sans cesse hilares et coupées de toute réalité…
Dans « Mais ne nous délivrez pas du mal », les adultes sont mis au second plan, ils semblent plutôt absents ou peu loquaces, le film est essentiellement concentré sur Anne et Lore, ce sont elles les héroïnes et l’intérêt pour le spectateur, leur relation, même si non saphique, va se muter en amitié amoureuse et viscérale, tout à fait à contrecourant du cinéma du début des années soixante- dix…
« Mais ne nous délivrez pas du mal » est donc un film particulièrement culotté dans son insouciance et sa décomplexité, il convient d’être particulièrement sur-ouvert pour le visionner, passée cette acceptation, il n’est pas exclu d’y trouver une certaine fascination et une empathie voire une complaisance dans cette histoire touchante de deux jeunes ados paumées et désaxées…
Par son atypisme, « Mais ne nous délivrez pas du mal » surprend ou révulse, c’est selon, mais on peut difficilement rester insensible face à ce déploiement d’inventivité de la part de Séria, qui privilégie autant la forme que le fond et a vraiment du travailler son film en amont, notamment pour le repérage des actrices…
Considéré à juste titre comme un  film culte, « Mais ne nous délivrez pas du mal » a le double mérite d’aborder un sujet rarement exploité au septième art (la transgression de la religion) et aussi de parfaire le genre fantastique bien trop rare dans l’hexagone…
Initiative courageuse pour un résultat éblouissant et inoubliable !

Note : 9/10




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