dimanche 29 mai 2016

Béatrice Cenci de Lucio Fulci, 1969

BEATRICE CENCI
de Lucio Fulci
1969
Italie
avec Tomas Milian, Georges Wilson, Adrienne La Russa, Antonio Casagrande, Mavie Bardanzellu, Raymond Pellegrin,  Max Steffen Zacharias
aka Liens d’amour et de sang
aka Die Näckte und der Kardinal (titre allemand)
Fresque historique
89 minutes
Edité en DVD chez Neopublishing
Synopsis :
Italie, pendant la Renaissance, vers 1595…
Francesco Cenci est un cardinal connu de tous qui déploie la terreur au sein des villageois, nous sommes à l’époque de l’inquisition et le sadisme de Cenci n’a d’égale que son intransigeance…
Béatrice, sa très jeune fille, est volage et entretient une liaison avec un homme brun qui n’est pas issu de sa caste, ce qui déclenche les foudres de son père, ce dernier l’enferme dans un des cachots du château !
Dans une ambiance dépravée et excessive, Francesco offre des banquets à ses amis où l’alcool et le stupre coulent à flots ; un jour, rendant visite à Béatrice, il la dénude brutalement et supposément abuse d’elle…
Béatrice parvient à se venger en commanditant le meurtre de son père !
Le pape Clément VIII refusera sa grâce, en dépit des circonstances atténuantes et la belle Béatrice sera exécutée, elle avait seulement vingt- deux ans…   
Mon avis :
Avec « Beatrice Cenci », Lucio Fulci signe sans doute son œuvre la plus aboutie mais également sa plus incomprise par le public (le film fut un échec cuisant au box- office lors de sa sortie en salles), le maestro en fut extrêmement contrarié, pensant pouvoir toucher un panel plus large et sortant du carcan dans lequel il s’était enfermé avec des films empreints à un cinéma populaire et sans trop de prises de risques…
Car des « risques », Fulci en prend énormément avec « Béatrice Cenci », film sur l’inquisition avant le légendaire « La marque du diable » de Michael Armstrong, sorti peu de temps après, mais il dote son métrage d’une intelligence, d’une grâce aussi bien technique (nombre de plans asymétriques) que narrative (il appuie son histoire par une mélancolie inhabituelle chez lui) pour creuser un scénario qu’il va magnifier dans une mise en scène époustouflante et indélébile…
Un autre ponte du cinéma italien, Riccardo Freda, adapta également l’histoire de Béatrice Cenci dans son film « Le château des amants maudits », mais Fulci va beaucoup plus loin que lui, cadrant des scènes de cruauté avec un sens du non-voyeurisme qui exacerbera le manichéisme de ses personnages (Béatrice symbolise la pureté souillée, Francesco, l’image paternelle excessive et illégitime)…
La place des seconds rôles est également très prégnante avec un Tomas Milian fabuleux qui collaborera deux autres fois avec Fulci (« La longue nuit de l’exorcisme » et « Quatre de l’apocalypse »), Georges Wilson trouve ici une de ses meilleures compositions en géniteur acariâtre ravagé par l’alcoolisme et la sublime Adrienne La Russa, jeune femme au physique juvénile et aguicheur, joue un rôle que peu d’actrices pouvaient décliner, c’est son talent qui rend le film crédible, Fulci a tapé dans le mille en la choisissant…
Il y a à la fois un académisme et une modernité dans « Béatrice Cenci » avec un montage serré et alterné qui utilise les flashbacks (pour faire accepter la mort du père, on nous montre post mortem des passages de lui lorsqu’il terrorisait ses comparses et notamment LA scène où il bat et abuse de Béatrice) mais Fulci, très intelligent, a la capacité pour non rebuter le spectateur de mettre le « prétendu viol » hors champ…
Il s’agit bien du film le plus atypique de Fulci, ici pas de gunfights pétaradants ou de zombies putréfiés mais bel et bien une trame dramatique et un sens de la mise en scène digne des plus grands du septième art…
Cette originalité préfigure son film suivant « Le venin de la peur », voulant éclater les codes et prouver au plus grand nombre qu’il est un VRAI cinéaste, capable de porter des réalisations esthétisées et ambitieuses, ce qui est tout à son honneur…
Sa carrière est si vaste et si diversifiée qu’il convient de s’attacher à découvrir l’intégralité de ses films tant la densité de son cinéma est vaste et foncièrement intéressante…
Le DVD néopublishing est fabuleux et a permis d’exhumer « Béatrice Cenci » de la plus belle des façons qui soit, il est à posséder pour tout cinéphile amoureux de Fulci…
Peinture tonique du cinéma italien, « Béatrice Cenci » est considéré encore de nos jours comme un chef d’œuvre, à visionner sans délai pour comprendre les démarches expérimentales de Lucio Fulci et redonner honneur à ses prises de risques…

Note : 10/10





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire