mardi 22 mars 2011

LE CHAT A NEUF QUEUES Dario Argento, Excellente critique de Nelly

Le chat à neuf queues 
de Dario Argento
Italie
1971
avec James Franciscus (Carlo Giordani), Karl Malden (Franco Arno), Cinzia de Carolis (Lori), Catherine Spaak (Anna Terzi), Carlo Alighiero (Dr. Calabresi)

Argento signe ici un excellent giallo mêlant horreur, cinéma policier, ambiance baignée de fantastique (la musique y est pour beaucoup) et érotisme. Pour ce dernier aspect, je songe plus particulièrement à la scène où Anna Terzi et le journaliste Giordani couchent ensemble. Tout est suggéré mais rien n’est montré, et un parfum de volupté souffle sur chaque plan à chaque évocation de mouvement sensuel. Tout comme l’érotisme, les meurtres sont davantage évoqués que montrés. En ce sens, le premier meurtre du gardien n’est perçu qu’au travers des mouvements du meurtrier et le spectateur voit d’ailleurs le gardien à terre, inerte, sans transition.
Le suspense est haletant du début à la fin du film et le spectateur ignore jusqu’au bout l’identité du criminel (dont on ne voit que l’œil marron clair régulièrement) car c’est un « chat à neuf queues » justement, expression dont le sens est explicité dans le film lorsque l’aveugle et Giordani cherchent à démêler les fils de l’enquête : il y a neuf personnes qui semblent être en lien avec le criminel ou potentiellement coupables…
Ce qui démultiplie les champs à explorer pour le spectateur, qui se fait lui-même     enquêteur. Argento se plaît manifestement à brouiller les pistes. Cela est on ne peut plus manifeste vers la fin, lorsque l’aveugle blesse malencontreusement le meurtrier et que le journaliste constate plus tard, en allant voir Anna, qu’elle aussi est blessée à une main. Tous les personnages ont un petit air étrange conforme à l’esthétique d’Argento, en particulier Bianca Nerusi, la fiancée de Calabresi, poussé sur les voies d’un chemin de fer. D’ailleurs, sa petite aventure avec le professeur Terzi qui dirige l’institut de génétique pousse le spectateur à postuler un instant si ce n’est pas le directeur lui-même de la compagnie qui est le meurtrier… l’histoire du médaillon de Bianca, que le journaliste et l’aveugle retrouvent fait exprès dans la tombe de cette dernière brouille également les pistes.
C’est aussi un film plein d’humour, humour british qui fait fortement penser à Hitchcock. Le personnage de l’aveugle, parfaitement interprété par Karl Malden, y est pour beaucoup car il tombe toujours malgré lui sur des pistes intéressantes à développer. Un des journalistes de l’équipe de Giordani est également très drôle – un comique davantage burlesque cette fois-ci – lorsqu’il tente d’expliquer passionnément à ses collègues de bonnes recettes de cuisine ; explications qui tombent dans l’indifférence générale, indifférence comique qui m’a fait penser un instant à Mais qui a tué Harry ? un petit côté touchant également au milieu de ce tourbillon de faux indices et de meurtres, avec le duo entre l’aveugle et Lori et – comme chez pas mal d’Hitchcock également – une réflexion sur la figure maternelle avec la découverte de l’adoption d’Anna par le professeur Terzi.
Les jeux de caméra sont très stylisés, chaque plan est soigné. La scène de meurtre du photographe qui bosse au journal est géniale, elle se focalise à peine sur l’étranglement lui-même pour mettre davantage l’accent sur le cliché photographique en son entier, qui aurait été une pièce à conviction de taille. Les transitions entre les plans sont incroyablement bien rendues. Je songe à la scène chez le barbier, au moment où il aiguise son rasoir pour s’occuper du journaliste alors que ce dernier lit un article de journal postulant l’utilisation d’un rasoir pour le dernier crime.
Les décors sont un peu « passés » tout en étant mystérieux et en clair-obscur (la scène finale sur le toit est magnifique !), ce qui captive l’attention du spectateur. La toute fin du film marque, avec la dégringolade du criminel et, tout en bas, la petite fille kidnappée qui appelle son oncle…une plongée dans des abysses humains sans fond et légère en même temps…du caviar.




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